Billet philosophique

La Réunion, une île de la douceur

3 septembre 2010, par Roger Orlu

Un ami de “Témoignages” nous a envoyé un texte sur une information très importante au sujet d’une mobilisation lancée par Les Amis de la Terre (1). Pourquoi cette mobilisation ? Parce que depuis le 21 août, « l’humanité vit à crédit en matière de ressources naturelles et que le jour du dépassement culminera le 25 septembre ». À trois semaines de cette échéance cruciale et significative du système criminel imposé aux humains par “bann zanprofitèr”, nous avons pensé qu’il serait intéressant de proposer de larges extraits de ce texte à la réflexion de nos lecteurs. C’est une façon, parmi d’autres, de “philosopher” de façon citoyenne et responsable.

« Samedi 21 août a marqué une limite symbolique en tant que "jour du dépassement" : nous avons, depuis ce jour, entièrement consommé le budget écologique annuel de la Terre. La consommation mondiale en ressources naturelles surpasse désormais les capacités biologiques de renouvellement de ces ressources, plongeant tous les habitants de la planète dans une "vie à crédit". Pour dénoncer la surconsommation des ressources naturelles et promouvoir l’équité dans leur accès, les Amis de la Terre lancent une mobilisation nationale autour du jour du dépassement qui culminera le 25 septembre.
Le "jour du dépassement", calculé chaque année par l’ONG canadienne Global Footprint Network, détermine le moment où l’humanité vit au-delà de son "budget écologique", dilapidant les ressources naturelles plus vite qu’elles ne peuvent se régénérer en une année. En 1960, l’humanité consommait seulement la moitié de la biocapacité. À partir de 1987, le rapport entre la consommation mondiale et la biocapacité s’est inversé et ne cesse de se réduire depuis. Les humains consomment aujourd’hui 50% de ressources naturelles de plus qu’il y a seulement 30 ans, avec environ 60 milliards de tonnes de matières premières par an. Ces chiffres cachent de larges inégalités d’accès et de consommation des ressources, impliquant une “dette écologique” des pays riches envers les pays pauvres, mais également envers les générations futures.

« Des changements profonds »

Les Amis de la Terre lanceront une mobilisation nationale pour dénoncer la surconsommation de ressources naturelles et défendre des alternatives aux modes de vie “dépassés”. Au programme : la transition vers des sociétés sobres en ressources et en énergie, mais riches en échanges humains ! Pour Alain Dordé, secrétaire fédéral des Amis de la Terre, “cette mobilisation est essentielle au moment où les conséquences de la surexploitation des ressources éclatent au grand jour. Nous consommons et brûlons plus de carbone que les forêts et les océans ne sont capables d’en absorber, ceci entraînant des dérèglements climatiques majeurs. La déforestation intensive, le captage excessif de l’eau douce dans certains pays en voie de désertification, la surpêche dans les océans en sont d’autres exemples. Seuls des changements profonds, basés sur des principes de sobriété et d’équité dans l’utilisation des ressources nous permettront de construire les fondements de sociétés soutenables” ».

Deux serments

En tant que Réunionnais, nous sommes bien sûr concernés par ces informations. Et certains de nos compatriotes se battent depuis des dizaines d’années pour ces “changements profonds”. D’où leur diabolisation par la bourgeoisie néo-coloniale et ses alliés. C’est pourquoi ce texte nous refait penser notamment au livre du philosophe français Michel Serres que nous avons déjà cité dans cette chronique vendredi dernier, “Temps des crises”.
Dans le dernier chapitre de ce livre, il propose deux serments : 1) « Pour ce qui dépend de moi, je jure de ne point faire servir mes connaissances, mes inventions et les applications que je pourrais tirer de celles-ci à la violence, à la destruction ou à la mort, à la croissance de la misère ou de l’ignorance, à l’asservissement ou à l’inégalité, mais de les dévouer, au contraire, à l’égalité entre les humains, à leur survie, à leur élévation et à leur liberté ». 2) « Que les savants, laïques, jurent ne servir aucun intérêt militaire ni économique ».
Voilà pourquoi, en conclusion, Michel Serres met en avant le concept de “douceur”. Il écrit que « l’intelligence doit muter, au plus vite et sous risque gravissime, de la volonté de puissance au partage, de la guerre à la paix, de la haine à l’amour. Voilà un objet de ma, de toute la philo-sophie ». Il ajoute : « La douceur qu’implique l’amour ne signifie pas seulement tendresse, mansuétude et paix, mais définit aussi un ensemble de savoirs, de technologies et de pratiques dont l’importance prend vite le pas sur les techniques dures que nous utilisons ».
Si nous essayons de “réunionniser” ensemble une telle vision de l’avenir et si nous voulons être les acteurs du futur, pourquoi ne pas nous battre pour faire de La Réunion une île de la douceur ?

Roger Orlu

(*) Merci d’envoyer vos critiques, remarques et contributions afin que nous philosophions ensemble… ! [email protected]

(1)
Ce texte est de David Naulin et Les Amis de la Terre est une organisation non gouvernementale (ONG) de protection de l’humanité et de l’environnement créée en 1969. Elle a participé à la fondation du mouvement écologiste en France et à la formation du premier réseau écologiste mondial, Friends of the Earth International, présent dans 70 pays. Pour en savoir plus, consultez le site des Amis de la Terre.


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Messages

  • Comme en Amour de l’île de la Réunion, je suis tombé dans la douceur de sa réunionnité.
    Réunionnité, que la vie à crédit va faire perdre sa crédibilité autour du 25 septembre prochain.


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