Billet philosophique

« Le communisme : mettre les choses en commun »

17 septembre 2010, par Roger Orlu

Mes petits-enfants, respectivement âgés de 14 et 10 ans, m’ont conseillé d’écouter le dernier album du chanteur Yannick Noah, la personnalité préférée des Français, intitulé “Frontières”. Ils m’ont dit que ce disque est très apprécié par les jeunes et qu’il évoque de grandes figures de la résistance au racisme et à la pauvreté, comme Angela Davis, Martin Luther King, Coluche et l’Abbé Pierre. Voilà qui fait réfléchir à la question : à quoi servent l’art, la littérature, la culture en général, si c’est pour distraire et détourner l’intelligence humaine des problèmes essentiels de nos sociétés ?

Dans trois récents numéros, l’hebdomadaire l’“Humanité Dimanche” publie des déclarations de personnalités du monde culturel qui répondent chacune à sa façon au rôle que doivent jouer les artistes, écrivains et autres acteurs de ce milieu face aux difficultés de nombreux humains. Au lieu de cultiver l’indifférence et l’égoïsme, elles plaident plutôt pour la solidarité et pour le combat contre l’injustice.
Nous citerons d’abord Yannick Noah, qui tiendra un concert géant le 25 septembre au Stade de France, avant une tournée dans tout le pays. Dans l’édition du 26 août, il évoque son 7ème album, “Frontières”, inspiré des musiques afro-américaines, où il dénonce la politique raciste et inégalitaire de l’État français.
« J’ai honte et je suis inquiet, dit-il. Plutôt que de s’en prendre aux Roms, on ferait mieux de s’intéresser aux milliardaires qui continuent de se goinfrer en pleine crise. Taper sur les plus fragiles comme le fait le gouvernement est un signe de faiblesse politique ». Il ajoute : « Aujourd’hui, on tente de nous faire croire qu’on ne peut rien changer. Mais on a le choix. On a le droit de gueuler, de résister. (…) Je ne vois pas comment on peut être heureux dans son petit coin quand tout se casse la gueule autour de nous ».
Et lorsqu’il évoque les militants cités plus haut, Yannick Noah conclut : « Je crois assez en l’idée qu’une personne peut tout changer. Pas seule bien sûr. Mais ces personnes ont incarné la possibilité d’un changement en déjouant la fatalité. C’est ce qui doit nous faire tenir. Ce sont des bouffées d’espoir et d’énergie ».

« Valoriser l’interprétation inventrice »

Le deuxième exemple est extrait du numéro du 9 septembre. Il s’agit d’Yves Citton, professeur de Littérature à l’Université de Grenoble et chercheur au CNRS. Dans l’ouvrage qu’il vient de publier (1), il analyse les méfaits socio-économiques, culturels, environnementaux et politiques d’un système médiatique et éducatif au service de l’intérêt individuel et du profit des nantis, au détriment des plus pauvres. C’est pourquoi il plaide en faveur de la culture d’une « intelligence collective » de la part de celles et ceux qui détiennent le pouvoir d’informer et de communiquer.
En d’autres termes, Yves Citton souligne à quel point est grave « la dévalorisation actuelle des domaines relevant des “humanités” (lettres, arts, philosophie, sciences humaines et sociales) par rapport “aux disciplines scientifiques” (sources de profits marchands et de découvertes brevetables) ». Et il conclut : « Jamais nous n’avons eu autant besoin de valoriser l’interprétation inventrice, ainsi que les humanités — lettres, arts, philosophie, sciences humaines et sociales — qui nous aident à la cultiver ; jamais les politiques en vigueur ne les auront autant négligées ».

« Vouloir un monde plus juste »

Enfin, nous citerons Alain Souchon, ce « chanteur populaire dont la “soif d’idéal” est restée intacte » et qui s’est produit dimanche dernier devant des dizaines de milliers de personnes à la Fête de “l’Humanité”. Interrogé par l’”HD” dans l’édition du 19 août, il explique que « le communisme fait partie de notre vie (...). Il véhicule un espoir : celui de mettre les choses en commun, la racine du mot “communisme”. (...) Seulement une partie de la nature humaine est pour le partage, a le goût de la mise en commun. (...) J’ai l’impression que l’autre partie n’en veut pas. Mais vouloir changer le monde, vouloir un monde plus juste, qu’il y ait des changements profonds dans la société, ça me plairait ».
De quels “changements” parle Alain Souchon ? « Une régulation du monde de l’argent ». Voilà pourquoi il conclut : « J’aimerais que l’esprit de mise en commun revienne. Nous sommes des gens qui vivent ensemble. Ensemble, ça veut dire se tourner vers les autres, les écouter ».
Lorsqu’un artiste qui se dit non-communiste défend de cette façon les valeurs et les principes du communisme, il donne un sens fort au combat pour le respect des droits humains. En particulier à la lutte de libération du peuple réunionnais.

Roger Orlu

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(1) “L’Avenir des humanités. Économie de la connaissance ou cultures de l’interprétation ?” (Éditions La Découverte).


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