Billet philosophique

« Le cycle capitaliste du monde est en train de mourir »

9 janvier 2009, par Roger Orlu

« Je ne suis pas économiste. Mais être économiste n’est pas nécessaire pour comprendre que le cycle capitaliste du monde est en train de mourir ». C’est ainsi que Claude Tedguy, philosophe et psychanalyste, débute une “tribune libre” consacrée le mois dernier dans “l’Humanité” à une analyse de la crise mondiale et de ses effets. (1)
« Par voie de conséquence, poursuit-il, (...) les verrous de sécurité mis en place depuis des siècles vont sauter l’un après l’autre, emportés par la force de contestation sociopolitique...
C’est la raison pour laquelle toute initiative individuelle offrant un espoir à l’être humain a une chance de prendre la tête d’un mouvement de contestation qui se transformera en tentative d’élaboration d’un “monde autrement” ; plus humain, plus vrai, opposé aux conceptions d’exploitation de la naïveté de l’être humain. Capable de repenser une redistribution de la richesse sans oppression, pour une existence dépourvue de peur du lendemain immédiat.
À terme, c’est le concept même de (la) peur qui devra disparaître, par l’assurance pour l’être de sa capacité d’exister sans avoir à affronter la froide cruauté capitaliste au quotidien ».
Pour Claude Tedguy, « l’effondrement du capitalisme doit passer pour cela par une affirmation sans cesse martelée des valeurs opposées à ce qu’il représente : injustice, inégalités, pauvreté, domination de plus en plus appuyée parce que agonisante. Et cela sans violence : il suffira de le laisser mourir, de l’aider à mourir de lui-même, car le mouvement est irréversible. Le cycle de son existence est épuisé ».
Cet animateur de l’Université libre des lettres, des sciences et des arts conclut ainsi sa “tribune libre” : « Le temps des hommes de bonne volonté peut, pourrait enfin voir le jour. Mais, pour cela, encore faut-il le vouloir, y croire, et lui donner l’occasion de “venir au monde”. Cela ne dépend que de nous. De la capacité que nous aurons à appeler de toutes nos forces ce monde nouveau... ».

Le capitalisme et les “voleurs d’âmes”

Dans une autre “tribune libre” du même journal, un autre philosophe, Frédéric Lelong, analyse un des obstacles à combattre pour atteindre cet objectif : le vol des âmes, organisé par le capitalisme. (2) Il appelle à la mobilisation contre « ceux qui souhaitent voler nos âmes, nos pensées, nos passions, car connaître les cœurs c’est le moyen de nous dominer. À une époque où nous sommes sans cesse surveillés, sondés, pour pouvoir mieux nous assujettir à une société de consommation, à une époque où nous ne cessons d’être incités à la confession, au déversement public de soi, à une époque où les travailleurs sont soumis à toutes sortes de surveillances, nous ferions bien de nous souvenir de ce sage avertissement de Cardan, qui nous met en garde contre les “voleurs d’âmes”. Ils sont partout, aujourd’hui, les “voleurs d’âmes”, prédateurs du marketing et du capitalisme ».
Selon Frédéric Lelong, « étrangement, le capitalisme se présente comme une défense systématique de la propriété privée ; et pourtant, il n’a de cesse de sacrifier la propriété la plus cruciale, celle de nos propres pensées, de notre âme la plus intime. Le capitalisme est en fait une expropriation perpétuelle de l’individu au nom de la marchandise qui pénètre tout. La télévision illustre parfaitement cette invasion de l’intime par des stimulations contrôlées ».
À l’heure de la mondialisation, La Réunion n’échappe pas à ce phénomène. Y réfléchir, l’analyser pour penser en Réunionnais avec l’esprit critique est indispensable si nous voulons en finir avec les séquelles et les survivances de la colonisation pour aller vers un développement durable et solidaire de notre pays.

Roger Orlu

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(1) Voir “l’Humanité” du 23 octobre 2008.
(2) Voir “l’Humanité” du 23 décembre 2008.


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