Billet philosophique

« Le monde a-t-il un sens ? »

4 juillet 2014

Dans cette chronique, nous avons déjà souvent évoqué cette question philosophique importante : quel sens donnons-nous personnellement et collectivement à notre vie ? Et pour donner à la fois une signification, une direction et un contenu vraiment humain à cette existence, nous avons constamment mis en avant des valeurs comme l’amour, la justice, la solidarité… À ce sujet vient de paraître un livre très intéressant sous le titre ’Le monde a-t-il un sens ?’, où Jean-Marie Pelt et Pierre Rabhi — pour répondre à cette question — défendent « le principe d’associativité » et appellent les humains à « privilégier la coopération ». Quels enseignements pouvons-nous tirer de cet ouvrage en tant que Réunionnais ?

Jean-Marie Pelt et Pierre Rabhi viennent de publier un livre très intéressant.

Dans ce livre, Jean-Marie Pelt « met en lumière le fait que la vie doit d’avantage à l’alliance qu’à la rivalité » comme le montre l’histoire de l’univers, de la vie sur Terre et de l’humanité. Voilà pourquoi ce scientifique souligne que « la question du sens de la vie et du sens de l’univers est la grande absente du flux médiatique de nos sociétés matérialistes et consuméristes ». Il ajoute : « Le défaut d’empathie au sein de nos sociétés contemporaines, marquées par l’individualisme, le relâchement, voire la rupture du lien social, a suscité l’émergence de valeurs spécifiques portées par des concepts tels que solidarité, convivialité, fraternité, coopération, mutualisme, humanisme... Nous proposons d’y ajouter celui d’associativité, mot qui ne désignait jusqu’ici qu’une équation mathématique.
À nos yeux, ce concept mérite en effet d’être élargi à un champ plus vaste. L’associativité devient alors, à travers toute l’histoire de l’univers, la manière dont des entités simples s’associent à deux ou à plusieurs pour aboutir à des entités plus complexes avec émergence de propriétés nouvelles. C’est cette émergence de propriétés nouvelles qui va focaliser notre attention du big-bang jusqu’à l’homme. Elle nous apparaîtra comme l’un des moteurs de l’évolution de l’univers.
À l’extrême aval des processus d’évolution, l’associativité entre des milliers de milliards d’interconnexions neuronales dans le cerveau humain permet à la vie de franchir une nouvelle étape tout aussi décisive, puisqu’elle aboutit à l’émergence de la civilisation humaine ».

« Pour une insurrection des consciences »

Pour Pierre Rabhi, « il est indispensable de privilégier la coopération au détriment de la compétition, source de tensions et de conflits. Afin de surmonter les désespérances de notre temps et d’aboutir à un monde plus juste et fraternel, il faut une authentique et massive insurrection des consciences ».
Ce célèbre écrivain français d’origine algérienne, agriculteur et pionnier de l’agroécologie, déclare : « Malheureusement, on peut manger bio, se chauffer à l’énergie solaire tout en exploitant son prochain. Cette simple remarque devrait nous éclairer sur ce qui relève du développement durable : sur quelles bases éthiques et déontologiques ? Ce constat réaliste devrait logiquement nous inciter à renoncer à la sacro-sainte croissance économique (…). Il s’agit en réalité d’un système où l’avidité humaine peut s’exercer "légalement" au préjudice des "damnés de la terre" qu’elle multiplie par l’accaparement et la concentration des biens vitaux aux mains d’une minorité de plus en plus minoritaire. Celle-ci, par le pouvoir que lui confère la finance, détermine le destin collectif en orientant l’histoire selon sa convenance et ses intérêts, au mépris de la politique démocratique censée être investie de cette fonction par le suffrage des citoyens.
Pis encore, les connivences entre finance et politique sont depuis longtemps dénoncées par des économistes compétents, soucieux des valeurs morales indispensables à l’équité. Cependant, dans le contexte d’une société où la malhonnêteté est érigée en système, la rectitude, la probité et l’équité y deviennent des tares dangereuses. Elles sont préjudiciables au désordre tenu et vécu comme un ordre. Cible d’un endoctrinement de masse d’une rare efficacité, l’opinion est influencée de manière subliminale afin de considérer comme vrais les pires mensonges qui soient ».

Nout viv ansanm

« Une fois admises, toutes ces considérations soulèvent une question », conclut Pierre Rabhi : « sommes-nous impuissants à changer radicalement le cours de notre histoire, ou bien des solutions existent-elles qu’il nous appartiendrait d’appliquer ? On pourrait résumer les choses en disant que la politique mondiale n’est pas en phase avec les réalités du monde contemporain.
Nous sommes de plus en plus nombreux à comprendre que le temps de nous réapproprier notre existence est venu. À cette fin, il est indispensable, sans endoctrinement, de constater par soi-même le fait que nos vies sont aujourd’hui soumises à l’idéologie temps-argent et des pouvoirs arbitraires qu’elle génère ».
Le peuple réunionnais, soumis à un régime néo-colonial, n’est-il pas victime — comme tous les peuples du monde — de ce système dénoncé par Pierre Rabhi ? D’où les décisions à prendre ensemble le plus largement possible en associativité et en coopération pour donner un sens à nout viv ansanm…

Roger Orlu


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