Billet philosophique

« Mi sa marroné »

9 mai 2014, par Roger Orlu

Ce n’est pas de la ’philosophie’ mais cela fait quand même réfléchir, non ? Il s’agit d’un sermon très important prononcé à Rome le 20 avril dernier par le responsable de l’Église catholique dans le monde lors de la fête chrétienne de Pâques. Le pape François a notamment dénoncé « les immenses gaspillages dont nous sommes souvent complices » qui contribuent à la faim, et il a exprimé sa solidarité avec les humains « sans défense, surtout les enfants, les femmes et les personnes âgées, parfois transformés en objets d’exploitation et d’abandon ». D’où cette question : kosa nou fé, nou, dan nout péi, pou èt solidèr domoun viktim « de l’incurie et de la pauvreté extrême » kom la di lo pap Franswa ?

Sébastien Arhiman, porte-parole du groupe Tizarboutan.
(photo Sandra Emma)

Lorsqu’on est confronté à cette problématique et que l’on a du mal à se libérer chaque jour de l’idéologie bourgeoise qui domine notre société — celle de la priorité à l’ego plutôt qu’à l’altruisme —, une des voies à suivre est celle de la fidélité à nos ancêtres qui ont lutté depuis 350 ans contre toutes les formes d’oppressions et d’injustices dont a été victime le peuple réunionnais. Ce sont ces luttes contre l’exploitation d’humains par d’autres humains — au comportement souvent inhumain — qui ont fait évoluer notre société, comme celles de tous les autres peuples du monde, tout au long de l’histoire de l’humanité.
Mais les graves problèmes sociaux auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui et qui vont s’aggraver dans les années à venir si nous ne mettons pas en œuvre enfin une politique de développement durable, humain, responsable et solidaire nécessitant la remise en cause du système dominant actuel. Et de plus en plus de Réunionnais lancent des appels à mener des luttes dans ce sens.

« La cupidité du monde de la finance »

À ce sujet, nous citerons quelques exemples de ces derniers jours.
• À l’occasion du 2ème anniversaire de l’élection de François Hollande à la présidence de la République française ce 6 mai, le Collectif des Indignés de La Réunion a demandé au chef de l’État d’appliquer les engagements spécifiques qu’il avait pris le 1er avril 2012 à Saint-Louis contre le chômage et la pauvreté dans notre pays et il a appelé notre peuple à « prendre notre avenir en main ».
• Le même jour, le sénateur communiste Paul Vergès a tenu une conférence de presse pour inviter nos élus à « se réveiller » face à la gravité de nos problèmes et à s’unir le plus largement possible pour « en finir avec l’intégration et l’assimilation » et réaliser ensemble un projet réunionnais pour La Réunion.
• Ce 6 mai également, lors d’un forum-débat au Centre Saint Ignace des jésuites, le président du Conseil Économique, Social et Environnemental de La Réunion, Jean-Raymond Mondon, a exprimé le vœu qu’à l’occasion des élections européennes du 25 mai prochain, le peuple réunionnais se mobilise pour un partage équitable des flux financiers, trop soumis à la dictature du monde bancaire et commercial.
• Le 7 mai, sur Réunion 1ère Radio, l’universitaire Darmapalah Sithanen a mis l’accent sur la nécessité de résister à « la cupidité du monde de la finance » pour créer dans notre pays une société équitable sur le plan des revenus, du coût de la vie et de la fiscalité.

« Mi aspèr lespwar »

Enfin, nous citerons ce magnifique fonnkèr ("Mi sa marroné", désanm 2007) chanté le vendredi 2 mai à la médiathèque François Mitterrand de Saint-Denis par Sébastien Arhiman, porte-parole du groupe Tizarboutan, lors du "Démay lo Kèr" organisé par l’Union pour la Défense de l’Identité Réunionnaise (UDIR), présidée par Jean-François Samlong :
« Lèr la nwit la soné
Po mwin alé marroné
Ensemb’ mon boulé
Ek la sèn amaré
Mwin la po lité.
Mon kor lé an doulèr
Ek tou sé bann calvèr
La briz la po karèss mon po
Mon siyèr i koule an ponyé dolo.
Lér la fwite la po guété
Po mwin alé démargonyé
Dann se fénwar
Mi aspèr lespwar.
Lespwar po aspèr in zour la liberté
Po aspèr in zour viv dann la gété
Mwin la fatigué viv dann somanké
Ensemb’in kor anséné.
Dann bitasyon mon nasyon
Mi aspèr somin la rézon
Po sobat semb lèsklavaz, in makrotaz
Ma fé kado mon nom an léritaz.
Dann kap piton piyé do bwa
Ma fanafout zot lwa
Po maroné
Dann bwa kokiyé.
1848, lo dékré la tombé
Mwin la mèt an lèr mon liberté
Mon nom, mwin la doné
Po arkonstrui nout sosiyété ».

Roger Orlu

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