Billet philosophique

« Nous sommes envahis par la colonisation »

2 septembre 2016, par Roger Orlu

Grâce au génie collectif réunionnais construit depuis 353 ans grâce à tous nos ancêtres, de plus en plus de compatriotes nous aident à prendre conscience de la réalité dans laquelle nous vivons afin de la transformer au mieux et de relever les graves défis à venir. Ce fut le cas notamment lors de la série de conférences de grande qualité que vient de tenir Farouk Issop, enseignant en sciences islamiques et philosophiques, sur l’identité musulmane. 


Farouk Issop. « Le meilleur parmi nous est celui qui sert le mieux les autres ».

Ce fut le cas notamment le samedi 27 août dernier à la médiathèque Alain Peters du Moufia, où Farouk Issop a présenté les nombreuses valeurs humaines fondamentales de l’islam et notamment sa culture de l’amour, de l’intelligence, de l’humilité, du pardon etc… afin de « cultiver le dialogue pour renforcer l’union et la solidarité ». Il a aussi souligné que « l’islam a pour objectif de contribuer à une société meilleure, de mettre en œuvre des projets pour améliorer le devenir des humains » car « le meilleur parmi nous est celui qui sert le mieux les autres ».

Farouk Issop a également valorisé nout kiltir péi, en parlant à la fois en créole et en français, en signalant que « la douceur fait partie de mon identité musulmane et créole réunionnaise » et en dénonçant le fait que « nous sommes envahis par la colonisation » comme par « la mainmise du complexe militaro-industriel sur les médias ». Enfin, dans un magnifique diaporama, il a cité beaucoup de philosophes, comme par exemple Victor Hugo (« Tout ce qui augmente la liberté augmente la responsabilité ») et Alejandro Jodorowski (« Un oiseau né en cage pense que voler est une maladie »).

‘’L’encastrement dans la France’’

Ce lancement d’alerte sur l’auto-soumission nous conduit à attirer l’attention sur un livre que viennent de publier le sociologue Raoul Lucas et le géographe Mario Serviable sous le titre : ‘’L’encastrement dans la France. Regards croisés sur la départementalisation de La Réunion’’. Cet ouvrage très intéressant nous montre les effets positifs des combats menés par Raymond Vergès et Léon de Lépervanche pour obtenir avec leurs camarades antillais et guyanais la proclamation officielle par la loi du 19 mars 1946 du statut de colonie de leur pays.

En même temps, on y trouve des témoignages importants, comme celui d’Éric Boyer, ancien président du Conseil général, qui lors du 45ème anniversaire de cette loi évoque « les faiblesses de la départementalisation » et lance un appel à « ouvrir un grand chantier de concertation pour bâtir l’avenir ». On peut aussi citer la postface du livre, signée par Dominique Rivière, où le représentant de La Réunion au Conseil Économique, Social et Environnemental en France déclare : « il y a une certaine urgence, pour nous Réunionnais, à nous montrer à nouveau imaginatifs et coopératifs pour inventer l’avenir de notre île ».

« Tienbo ansanm »

D’où l’importance de la culture de notre mémoire historique réunionnaise afin de nous libérer des préjugés négatifs concernant la lutte pour la décolonisation du pays. C’est un des enseignements que nous pouvons tirer de la 6ème édition réunionnaise de la Journée Internationale du souvenir de la traite négrière et de son abolition organisée ces samedi 27 et dimanche 28 août par le Komité Éli, où la fidélité à nos ancêtres combattants de la liberté a été mise en avant.

C’est aussi le message adressé à tous nos compatriotes par l’artiste André Béton, qui vient d’ouvrir jusqu’au 17 septembre à la Galerie d’Art de l’Apéka (Plaine des Cafres) une exposition géniale pour « rendre hommage à l’engagement de Paul Vergès ». L’auteur de ces tableaux de peinture nous rappelle quelques concepts qui marquent le combat sans fin de ce combattant de la liberté : « Parnouminm, l’émancipation ; kisanoulé, l’identité ; nou lé pa plus nou lé pa moin, l’égalité ; tienbo ansanm, nou lé camarade ». Voilà de quoi continuer le combat contre notre envahissement par la colonisation évoqué par Farouk Issop.

Roger Orlu


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