Billet philosophique

Nout pèp i lèv la tèt

13 décembre 2013

Il est hélas rare qu’un festival cinématographique serve avant tout à enrichir la connaissance, la culture éducative et la réflexion du public sur des questions essentielles. Mais cela s’inscrit dans la logique du système économique dominant, où la priorité pour les décideurs dans le domaine culturel est généralement la distraction et la diversion. Voilà pourquoi il est particulièrement intéressant de suivre et de réfléchir sur le sens et le contenu du Festival des Révoltés de l’Histoire, dont la 4ème édition se déroule cette semaine à Saint-Denis, avec des projections de films sur les révoltes populaires du 20ème siècle, mais aussi des journées pédagogiques sur des documentaires et des conférences-débats sur ces révoltes.

L’association Protéa, présidée par l’historien réunionnais Bruno Maillard, accorde la priorité de son festival du film documentaire non seulement à la qualité des films projetés pendant toute une semaine au cinéma Ritz de Saint-Denis mais encore à de grands événements historiques à faire connaître au peuple réunionnais. Des événements essentiellement consacrés à des luttes de masses menées par les peuples du monde pour changer leur société. Voilà qui est important !

En effet, « comme l’affirme avec élégance la philosophe et militante Angela Davis, « les murs renversés deviennent des ponts" », rappelle Bruno Maillard dans la présentation de son festival 2013 car « les dynamiques collectives constituent la matrice de la libération des peuples et de leur épanouissement ». D’où l’importance de rappeler « de nombreuses révoltes populaires à travers le monde, qui restent encore plongées dans l’oubli », alors qu’il y a plein d’enseignements à en tirer pour construire un avenir meilleur.

« Une grande action de désobéissance civile »

"Témoignages"a déjà rendu compte de projections de ce festival, comme celle de "L’horizon cassé" sur les émeutes du Chaudron en 1991 et celle de "La route de l’esclave, l’instinct de la résistance" sur les combats menés par nos ancêtres victimes de l’esclavage, ce « crime contre l’humanité » selon la loi Taubira du 10 mai 2001. Il a également rendu compte des débats très intéressants qui ont suivi ces projections, avec un public très nombreux.

Nous allons citer un autre exemple dans ce « billet philo » : il s’agit de la soirée de mardi dernier, consacrée à la vie et l’œuvre du Mahatma Gandhi, en particulier avec la projection du film "Les moussons intimes", sur "la marche du sel" de 1930, « une grande action de désobéissance civile » menée par ce combattant anti-colonialiste indien pour la libération de son pays. Et là aussi, le public s’est souvent posé la question : que faisons-nous aujourd’hui pour continuer ces combats pour la liberté dans notre pays ?

« Des révoltes populaires dans notre pays »

Dans le film, plusieurs experts et amis de Gandhi évoquent notamment les idées pour lesquelles celui-ci s’est battu, comme par exemple : « il est important de réfléchir au sens que l’on donne à sa vie », « l’éducation doit être une voie de la liberté », « le développement durable passe par un partage équitable des richesses », « il n’y a pas de changement sans révolution », « nous devons résister aux tentatives de nous diviser par le poison de la haine », « la culture c’est l’unité dans la diversité »… Michel Pousse, maître de conférence à l’Université de La Réunion, qui animait le débat avec Bruno Maillard, a également signalé que Gandhi était favorable à un maximum de démocratie, jusque dans les villages.

Dans ce débat, plusieurs jeunes sont intervenus pour exprimer leur soutien à ces thèses ; par exemple, l’un d’eux a déclaré : « les idées et les actions de Gandhi sont éternelles ; alors kosa nou fé, nou isi La Rényon, dann in sosyété malad ? Kansa nou organiz in dézobéisans sivil rényonèz ? » ; un autre a prôné « des révoltes populaires dans notre pays » ; ils ont été applaudis par le public. Comme quoi, nout pèp i kontinu lèv la tèt…

Roger Orlu

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