Billet philosophique

Où est la « sauvagerie aveugle » sur la planète ?

1er février 2008, par Roger Orlu

Régulièrement, les médias qui profitent du système économique dominant et qui tentent par tous les moyens de le perpétuer privilégient les informations sur ce que l’on appelle les “faits-divers”. Ils exposent en long, en large et en travers les violences auxquelles donnent parfois lieu ces événements. Pourquoi livrent-ils tous ces détails sans aucun intérêt sur des faits très particuliers, alors qu’ils font l’impasse sur des situations tragiques aux effets destructeurs massifs comme les guerres, les famines, les inégalités de revenus, les pollutions chimico-industrielles etc...?
Quel est le but premier de ce traitement arbitraire de l’information, en dehors de vendre du papier et de l’audimat, donc de la pub ? S’agit-il, à La Réunion, de donner une image négative du peuple réunionnais, un peuple où foisonneraient les criminels et les délinquants ? Afin de justifier le fait que ceux qui ont toujours fait la loi ici continuent à maintenir “l’ordre” et leur “civilisation modèle”...?

En tout cas, la semaine dernière, suite à l’agression dont ont été victimes deux touristes à la gare routière de Saint-Louis, un journal local a publié un article où il stigmatise en termes très durs les auteurs de ce délit. Le journaliste utilise cinq fois les mots “sauvage” (ou “sauvagerie”, “sauvagement”) et trois fois le mot “haine”.
Il parle même de la « sauvagerie aveugle » de ces personnes, sans jamais se poser la question : qu’est-ce qui fait qu’elles en sont arrivées à commettre de tels gestes ? Quel est leur parcours de vie qui les a conduites à de telles extrémités ? Pourquoi n’ont-elles pas été protégées par la société pour éviter de sombrer dans une telle agressivité ? Et n’ont-elles pas, d’une certaine façon, elles aussi été victimes de la « sauvagerie aveugle » des tenants de la loi du marché et du profit ?

Dans le numéro de février de “Philosophie magazine”, le philosophe Heinz Wismann rappelle que « l’enfant est le produit d’une préhistoire incarnée par les deux cellules de ses géniteurs, et d’une histoire qui se forme dans la vie sociale et familiale ».
Dans la même revue, deux autres philosophes, Jean-François Mattéi et Bernard Stiegler, débattent de la crise des banlieues en France et du « malaise dans la jeunesse ». Ils expliquent que « le désarroi des moins de 25 ans » provient du « cycle infernal » où ils sont enfermés. Ils décrivent les diverses causes de « la crise de l’intégration dans la vie sociale ». Parmi ces causes, il y a le « système médiatique qui capte l’attention des jeunes et les fixe sur la consommation. Les plus vulnérables sont les plus exposés : ceux qui n’ont pas les moyens de consommer réagissent plus violemment que ceux qui en ont encore les moyens ». Conclusion : « Qu’on ne s’étonne pas si beaucoup n’ont retourné à leurs aînés que leur indifférence ou leur mépris ».

Voilà pourquoi, “Témoignages” s’associe à l’appel lancé dans ce numéro de “Philosophie magazine” : l’Union Européenne doit assurer la protection de ses ressortissants menacés de mort pour avoir fait usage de la liberté d’expression, comme c’est le cas d’Ayaan Hirsi Ali (notre photo) . La vie de cette ancienne députée néerlandaise, née en Somalie, est mise en danger par des intégristes religieux.
Les autorités européennes doivent protéger cette combattante de la liberté et tous les citoyens victimes des différentes formes de la « sauvagerie aveugle » qui empoisonne la planète. C’est le cas du projet de Traité constitutionnel européen que ces autorités veulent nous imposer sans référendum, avec la complicité de l’État et des parlementaires français.

 Roger Orlu 

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