Billet philosophique

Pou kosa mi sava lékol ?

12 août 2016, par Roger Orlu

La semaine prochaine aura lieu la rentrée scolaire à La Réunion pour l’année 2016-2017 et les élèves comme les parents et les enseignants ont commencé à s’y préparer. C’est l’occasion de réfléchir en quelques lignes sur le rôle du système éducatif, ses perspectives et le sens que peuvent lui donner les jeunes éduqués depuis la maternelle à l’université, en passant par les classes primaires, le collège, le lycée etc…

Le peintre Jimmy Cambona à côté de son œuvre réalisée à la journée Amizanou Dakour sous le titre ‘’Le Kaf Créateur’’.

Le samedi 6 août dernier, sur le site du ‘’terrain black’’ au Gol à Saint-Louis, l’équipe d’Ansortaoo, une association d’insertion saint-louisienne, a organisé — en partenariat avec plusieurs autres associations « de la nouvelle génération culturelle et sociale » — sa 3ème journée conviviale intitulée ’Amizanou Dakour’. Une journée marquée par de nombreuses activités festives — comme des jeux lontan, des danses etc… — ou culturelles, avec beaucoup d’artistes, musiciens et le peintre Jimmy Cambona, qui a réalisé une belle peinture en direct.

Un autre temps fort de cet événement fut la conférence présentée par Philippe Bessière, professeur d’histoire et militant de l’association Rasine Kaf, sur ‘’l’histoire du Gol et l’esclavage’’. Cet exposé fut l’occasion de faire connaître au public des éléments très importants sur ce qui a marqué les deux siècles et demi de l’esclavage et de l’engagisme depuis la naissance du peuple réunionnais il y a 353 ans ; et Philippe Bessière a fortement insisté avec raison sur la nécessité d’enseigner beaucoup plus et mieux à la jeunesse réunionnaise son histoire spécifique, dont elle a beaucoup de leçons à tirer pour lui permettre de construire son avenir de façon libre et responsable.

« Mieux faire face aux défis de demain »

Cet appel est en phase avec un ouvrage admirable publié en 2007 par l’UNESCO (Organisation des Nations Unies pour l’Éducation, la Science et la Culture) sous le titre : ‘’La philosophie, une école de la liberté’’ ; une « étude dédiée à tous ceux qui se sont engagés, avec vigueur et conviction, dans la défense de l’enseignement de la philosophie, gage fécond de liberté et d’autonomie ». Une « publication également dédiée à ceux qui, jeunes esprits aujourd’hui, sont appelés à devenir les citoyens actifs de demain ».

Ce livre souligne que la promotion de l’enseignement de la philosophie dans le monde dès le plus jeune âge est « pleinement en phase avec la Stratégie intersectorielle de l’UNESCO concernant la philosophie, adoptée par le Conseil exécutif de l’Organisation en 2005 ». Son directeur général, Koïchiro Matsuura, y déclare : « Voyons-y une raison de plus pour développer son enseignement là où il existe, et de le promouvoir là où il n’existe pas » afin de « mieux faire face aux défis de demain ».

« L’hégémonie des affairistes »

Membre de cette instance internationale, que fait l’État français à La Réunion pour appliquer cette décision et donc pour aider les jeunes Réunionnais à l’école à faire sortir leur pays comme le monde entier de la kouyonis et de toutes les formes de barbarie liées à « l’hégémonie des affairistes avec la fracture sociale », comme l’a dit un historien sur la chaîne télévisée Histoire ce vendredi ? La loi pour l’égalité réelle dans les Outre-mer va-t-elle donner au peuple réunionnais le droit de décider lui-même un programme scolaire visant à préparer les jeunes à assumer la responsabilité de diriger leur pays au sein de la République française et de l’Indianocéanie pour un partenariat équitable entre La Réunion, la France, l’Union européenne et les peuples frères de l’océan Indien ?

Plus que jamais on se rend compte qu’il faut d’urgence et le mieux possible cultiver dans nos écoles une vision réunionnaise, internationale, historique et innovatrice de la philosophie, c’est-à-dire de l’amour de la sagesse, du savoir, de la réflexion, du bon-sens, de l’esprit critique… D’où la question que peuvent se poser tous les écoliers et enseignants du pays : pou kosa mi sava lékol ?

Roger Orlu

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