Billet philosophique

Pour la souveraineté réunionnaise, l’unité

30 août 2013

Si la philosophie ne s’intéresse pas aux principaux défis à relever par notre société, à quoi sert-elle ? Voilà pourquoi il nous paraît intéressant, cette semaine, d’analyser un événement particulièrement révélateur à ce sujet. Il s’agit de la nuit de veillée et de la journée commémorative organisées le week-end dernier à la ravine à Jacques par le Komité Éli, à l’occasion de la Journée internationale de la traite négrière et dans le cadre de la célébration du 350ème anniversaire du peuple réunionnais.

Une des banderoles de dimanche dernier à la ravine à Jacques. « Nou éxist dopi 350 an, i fo nou avans vèr la souverèneté nout pèp ».

Cet événement a été marqué non seulement par sa réussite en nombre de participants mais aussi en termes de qualité des idées exprimées par beaucoup de militants culturels et d’artistes afin de faire avancer la souveraineté réunionnaise. Comme l’a dit Maximin Boyer, le président du Komité Éli, « nou éxist dopi 350 an, i fo nou avans vèr la souverèneté nout pèp, nou la bézwin in gouvèrnman rényoné ». Et Sudel Fuma, l’historien et directeur de la Chaire UNESCO à l’Université de La Réunion, a souligné l’importance du rôle des associations réunionnaises pour faire avancer « la libération de notre peuple ».

Pour atteindre cet objectif, plusieurs artistes ont lancé un appel à nous libérer de l’assimilation coloniale. C’est le cas, par exemple, du groupe Amba, avec Marilyne Dijoux, pour qui « lèr larivé pou nou pansé an Rényoné ; mon pèp, fo levé ! Èd anou drèss lorizon nout péi » ; et d’Ingrid Varon, pour qui « mon péi nana in rèv, èt otonome, pansé par li mèm ».

Le droit et le pouvoir de décider

Dans cet esprit, bien d’autres penseurs… et acteurs ont pris la parole ces derniers temps afin de donner un contenu concret à cette libération ; il s’agit en effet de nous libérer de toutes les formes d’oppressions et d’injustices dont souffre le peuple réunionnais, surtout les plus pauvres, les chômeurs, les exclus, les précaires et autres victimes de l’exploitation néo-coloniale du pays. Ce fut le cas notamment lors des trois grandes réunions d’informations tenues par le P.C.R. au Port, à Saint-André et à Saint-Pierre, où Yvan Dejean a rappelé les propositions de cette organisation politique « pour instaurer une gouvernance réunionnaise démocratique » .

Ce fut le cas aussi lors des conférences-débats de l’universitaire André Oraison mardi à Saint-Pierre et de l’Arcadie mercredi à Saint-Paul, où plusieurs intervenants ont émis de nombreux souhaits concrets pour aller dans ce sens, avec « une collectivité territoriale unique et efficiente à La Réunion » et le « respect du droit des citoyens réunionnais au pouvoir de décider eux-mêmes tout ce qui les concerne ». Et comme ce droit au pouvoir de décision concerne avant tout les plus pauvres, il convient également de citer la voie tracée à Saint-Paul par le Comité de l’Appel de l’Ermitage pour l’abolition de la pauvreté, qui a organisé la réunion du premier Conseil municipal des pauvres et l’élection d’une Maire vraiment pauvre, Gilmée Vochré.

« Alon avans ansanm »

Si nous voulons réellement mettre en œuvre ces moyens indispensables d’un développement durable — donc responsable et solidaire — de La Réunion, il y a notamment une condition essentielle à créer : c’est l’unité des forces démocratiques, dans le respect de leur diversité. Tant que la division, la dispersion, l’absence de dialogue, l’égocentrisme et l’intérêt personnel "pou la profitasyon" et donc l’idéologie dominante prennent le dessus sur l’union, la solidarité et les échanges en vue d’une entente sur des projets partagés, nous restons enfermés dans l’impasse du système barbare actuel.

Eh bien, lors du week-end passé à la ravine à Jacques, plusieurs appels ont été lancés par les responsables du Komité Éli pour renforcer cette union réunionnaise : « alon travay ansanm pou nout byin komin ; alon avans ansanm ; arèt diviz anou ! », a notamment déclaré Maximin Boyer. Et avant-hier au café-citoyen de l’Arcadie, des intervenants ont plaidé en faveur d’ « une mise en commun de toutes les sensibilités pour faire basculer les choses »  ; donc « il faut que tout le monde s’unisse car l’avenir de La Réunion est en cause ». Autrement dit, la souveraineté réunionnaise passe par l’unité réunionnaise face aux diviseurs et exploiteurs de notre peuple.

Roger Orlu

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