Billet philosophique

Priorité à l’autre, plutôt qu’à moi ?

8 novembre 2013

Non à l’égoïsme, oui à l’altruisme ; c’est-à-dire, priorité à l’autre, aux autres et à l’intérêt commun plutôt qu’à notre intérêt personnel : « c’est à une nouvelle manière de penser l’être humain que Matthieu Ricard appelle ». Ce moine bouddhiste est l’auteur du ’Plaidoyer pour l’altruisme’, en librairie depuis le 19 septembre. « Un ouvrage à l’ambition encyclopédique, mais aussi laïque, qui déborde de pertinence en période de crise ». Nous publions ci-après de larges extraits d’un entretien accordé par ce penseur au médium ’HuffPost’, pour qui « nous pouvons changer notre manière d’être et donc coopérer davantage ; pas seulement à un niveau individuel, mais aussi à un niveau collectif. Qu’il s’agisse de l’économie, de l’environnement, de notre bien-être et de nos relations aux autres, nous gagnerions tous à reconnaître et à cultiver l’altruisme ».

Qu’est-ce qui nous empêche d’être altruistes ?

— D’abord l’idée que nous sommes tous égoïstes, que ce n’est pas la peine d’essayer. Or, si vous analysez les actes des individus tout au long de la journée, on remarque qu’en moyenne, 70% de ceux-ci sont des actes qu’on pourrait qualifier d’entraide, comme tenir la porte ouverte à quelqu’un, de petits gestes. La banalité du bien est beaucoup plus présente dans notre existence qu’on le croit, donc déjà c’est encourageant. Deuxièmement, comment se pourrait-il que d’autres aspects de nos existences comme l’attention ou l’altruisme seraient déjà à leur optimum dès le départ ? Cela n’a pas de sens.

 

Et pour cultiver l’altruisme, vous dites qu’il y a une technique de plus en plus populaire, c’est la méditation...

— La signification du mot méditation, c’est cultiver, se familiariser avec une nouvelle manière d’être et cultiver ces qualités. Donc, cultiver l’altruisme, cela veut dire essayer de passer un peu plus de temps, par exemple dix minutes par jour, à emplir notre paysage mental d’amour altruiste ; et si on est distrait, d’y revenir ; s’il s’évanouit, de le raviver ; c’est ça la méditation.

 

En quoi méditer peut-il nous faire changer ?
— L’expérience montre que sur le plan personnel, on voit une différence. C’est prouvé scientifiquement, validé par nos connaissances sur la neuroplasticité. Le cerveau change lorsqu’il est soumis à un entraînement quelconque, qu’il s’agisse de jongler ou de méditer. Après quatre semaines de méditation quotidienne, on a observé des modifications fonctionnelles du cerveau, des modifications dans le comportement — plus de coopération, de comportements prosociaux, d’entraide — et même structurelles. On a par exemple remarqué que des zones du cerveau qui ont à voir avec l’empathie, avec l’amour maternel, avec des émotions positives, étaient déjà légèrement plus volumineuses, donc il y a quelque chose qui s’est vraiment passé.

 

Il y a aussi l’économie tournée vers les profits, en quoi une pensée comme l’altruisme peut-elle être compatible avec elle ?

— Il y a beaucoup d’économistes comme Amartya Sen, Joseph Stiglitz ou Dennis Snower qui mettent en avant le problème des biens communs : la qualité de l’air, les réserves d’eau douce, la démocratie ; et ça, ça concerne tout le monde. De plus en plus d’économistes essayent d’imaginer un système qui ne soit pas fondé uniquement sur la maximisation des intérêts égoïstes. La société fonctionnerait beaucoup mieux !

 

L’altruisme, ce serait donc la pensée du 21ème siècle ?

— Absolument ! C’est le fil d’Ariane qui relie le court terme de l’économie, le moyen terme de la qualité de vie et le long terme de l’environnement. Sans l’altruisme, il n’y a aucun système intellectuel capable de prendre en compte les trois. S’il y a davantage de considération pour autrui, détruire la planète est inenvisageable.

 

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