Billet philosophique

Quel pouvoir de décision du peuple réunionnais ?

14 mars 2014, par Roger Orlu

De plus en plus de Réunionnais se posent les questions fondamentales qui concernent l’avenir du pays. Comme des philosophes du monde entier, des compatriotes amoureux de La Réunion et solidaires de leur peuple réfléchissent à leur sort et à leur destin afin d’assumer leurs responsabilités. On en a eu encore la preuve lors de plusieurs rencontres socio-culturelles la semaine dernière, où la problématique essentielle du pouvoir de décision du peuple réunionnais sur tout ce qui le concerne au quotidien a été évoquée avec force par divers intervenants.

La conteuse et artiste réunionnaise Ketty Lisador. « Lo sor pou délivrans ; sor dann fénwar-la ».

La première de ces rencontres est celle du mardi 4 mars au Centre Saint-Ignace, où un forum-débat a été animé par l’évêque de l’Église catholique à La Réunion sur les enseignements à tirer — en tant que Réunionnais — de l’appel lancé aux fidèles du monde entier par le pape François dans son exhortation apostolique intitulée "La joie de l’Évangile". D’où cette question : « Pour notre diocèse, comment nous laisser guider par cette inspiration du pape François, qui veut nous secouer en nous provoquant à l’engagement "à partir de la conscience des défis qui (nous) sont propres et de ceux qui (nous) sont proches", c’est à dire ceux de notre société réunionnaise, solidaire des autres îles du sud-ouest de l’océan Indien ? ».

Monseigneur Gilbert Aubry a apporté de nombreuses réponses très intéressantes à cette question, en s’appuyant notamment sur notre Histoire, dominée depuis 350 ans dit-il par « une économie coloniale » ; « nous avons été piégés par cette économie ; soyons donc conscients d’être un peuple ; il faut que le maximum de décisions fondamentales soient prises à La Réunion ; développons notre identité, ouverte sur l’Indianocéanie et le monde ; il faut que nous devenions responsables de notre société ». Des propos soutenus par l’ensemble des participants à ce débat.

Qui évoque cette question ?

Le lendemain, à la Fac de Lettres, l’Arcadie de La Réunion a organisé un débat avec la Jeune Chambre Économique et avec Junior Univ’R sur "L’insertion des jeunes à La Réunion ; quelles perspectives ?". Là également, plusieurs intervenants ont insisté sur « la nécessité de se mobiliser ensemble pour éveiller les consciences sur la gravité de nos problèmes sociaux et pour lutter en faveur des solutions à mettre en œuvre nous-mêmes ».

Ce fut en particulier le sens de l’intervention d’André Oraison, professeur de Droit à l’Université de La Réunion, qui a lancé un appel à « s’orienter vers la voie de la responsabilité, après celle de la liberté en 1848 et celle de l’égalité en 1946 ; pour cela, il faut aller vers une fusion de la Région et du Département, comme Paul Vergès l’a proposé au sénat le 4 octobre 2012, et permettre à La Réunion de légaliser de façon spécifique sur son territoire ».

Il se trouve que, lors des diverses réunions de travail organisées par le Collectif Je Marche pour la Culture à La Réunion autour de Lolita Monga, les acteurs culturels réunionnais ont mis en avant — comme problème essentiel à résoudre pour promouvoir la kiltir dan nout péi — « la question de la gouvernance réunionnaise ». Et parmi les candidat(e)s aux élections municipales du 23 mars, qui évoque cette question ?

Une belle perspective

À ce propos et pour conclure ces réflexions, nous citerons deux œuvres artistiques qui viennent de paraître et qui en parlent. La première est une chanson de campagne diffusée dans les meetings de la liste conduite par le dirigeant communiste Ary Yée-Chong-Tchi-Kan à Saint-Paul sous le titre : “À vous de jouer” ; c’est un message délivré par des enfants-adolescents, de 12 ans et plus, à leurs parents, qui doivent prendre des décisions qui influenceront leur avenir : « Notre avenir est entre vos mains, décidez s’il sera bien. À vous de jouer. Bientôt ce sera à notre tour ».

La seconde est ce beau recueil de poèmes, proclamés jeudi dernier dans l’amphi Élie de l’Université par la conteuse Ketty Lisador et rédigés par Yvannick Varatchia, une enseignante de la langue arabe et poétesse créole, sous le titre : "Lo sor". Avec cette perspective : « lo sor pou délivrans ; sor dann fénwar-la ; arèt akiz out kamarad ; gard out kèr pir ; èm out frèr ; agard pa son koulèr, son kondision, son léta, son krwayans, son labiyman pou èm ali… ». Une belle perspective, non ?

 Roger Orlu 

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