Billet philosophique

Quelle justice prévaut à La Réunion ?

4 juillet 2008, par Roger Orlu

Samedi dernier, un ami me signale une déclaration du préfet de La Réunion parue dans la presse, où il dénonce les planteurs ayant manifesté mercredi et jeudi dans le Sud de l’île pour un meilleur prix de la tonne de canne afin de compenser la hausse des coûts de production. Le représentant de l’État dénonce le fait que des manifestants auraient endommagé quelques équipements mécaniques de l’industrie sucrière. Il déclare : « Je suis déterminé à réprimer les exactions de ce genre qui ne favorisent pas le dialogue ». (1)
Pour mon ami, ce discours préfectoral « prouve qu’il ne faut pas fétichiser le dialogue car il n’est pas le moyen décisif, ni l’outil essentiel pour combattre les injustices ; la priorité consiste à s’organiser et à lutter pour créer un rapport de forces permettant aux opprimés et aux exploités de s’opposer de façon victorieuse aux classes dominantes ; le dialogue vient en second et n’est qu’une étape de cette lutte ».

C’est vrai. Et certaines décisions judiciaires le confirment.
Le jeudi 26 juin dernier, la cour d’assises de Saint-Denis a acquitté les deux gendarmes accusés d’avoir mutilé à vie le docker réunionnais Théo Hilarion 14 ans plus tôt. Le comble de cette décision judiciaire est que le travailleur victime de cette agression criminelle a fait preuve d’une grandeur d’âme exemplaire en accordant le pardon à ses agresseurs mais que ceux-ci ont été acquittés pour soi-disant « légitime défense » avec une arme interdite.
Par contre, le lendemain, le tribunal correctionnel de Saint-Denis a condamné à 12 mois de prison avec sursis un des planteurs accusés d’avoir endommagé du matériel.
Enfin, mardi dernier en France, un militaire a été mis en examen pour blessures involontaires et remis en liberté sous contrôle judiciaire après avoir tiré à balles réelles sur le public lors d’une démonstration de libération d’otages par des parachutistes. L’encadrement militaire ayant été mis en cause par le chef de l’État, le chef de l’armée de terre a démissionné de son poste.

Dans l’affaire Théo Hilarion, les responsables administratifs, militaires et judiciaires qui ont causé et couvert ce crime n’ont, quant à eux, pas été poursuivis et ne le seront jamais. Si un travailleur réunionnais « en légitime défense » face à des gendarmes de France mutilait l’un deux à vie, ne serait-il pas condamné, ne serait-ce qu’à une peine symbolique, même si la victime lui accordait le pardon ? Quelle justice prévaut à La Réunion ?
Toute l’Histoire de notre pays est marquée par une complicité, une entente tacite entre des tenants des pouvoirs économique, politique et judiciaire. Avec la caution de détenteurs du pouvoir médiatique. Face à ces connivences, dont nous mesurons chaque jour les effets négatifs sur notre vie sociale, nul ne peut rester indifférent et résigné. À l’image d’Ingrid Bétancourt, dont nous saluons la libération après six ans de détention par les FARC.
Le courage et la détermination de cette militante pour un monde meilleur, nommée citoyenne d’honneur du Port par le Conseil municipal portois sur proposition du maire Jean-Yves Langenier, nous montrent à quel point le combat pour la justice et la liberté ne doivent jamais s’arrêter. Et dans ce combat parfois difficile, le dialogue indispensable entre militants pour un développement durable doit toujours être amélioré.

 Roger Orlu 

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(1) “JIR” du samedi 28 juin 2008, page 12.


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