Billet philosophique

« Responsabilité, solidarité, partage »

16 mai 2014, par Roger Orlu

Un Réunionnais ’ami de la philo’ nous a envoyé un article très intéressant publié récemment par le CADTM (Comité pour l’Annulation de la Dette du Tiers-Monde), sous le titre : « Néo-colonialisme et écologie : l’accaparement du monde ». Cet article rappelle notamment que « si les impacts sociaux de la colonisation ont déjà été fréquemment soulignés, il n’en est pas de même pour les effets que celle-ci a eus sur les milieux naturels. Pourtant, l’expansion du capitalisme à l’échelle planétaire, principalement par la violence et la coercition, a engendré des bouleversements écologiques sans précédents ». Voilà un phénomène important dont nous avons à prendre conscience et pas mal d’enseignements à tirer à La Réunion.

Claudia Laup. « Quand on parle d’une seule voix, on est entendu ».
(photo M.M.)

En effet, comme le souligne cet article, « l’imposition d’un modèle productiviste et capitaliste va être à la source d’un désastre écologique. Concrètement, cela va se traduire notamment par l’exploitation jusqu’à épuisement des ressources minières et forestières des pays colonisés. Cette exploitation, qui sera un des facteurs du décollage économique de l’Europe, va entraîner dans les régions concernées un épuisement des sols, la destruction de l’habitat et la disparition d’espèces, une déforestation massive ainsi qu’une vulnérabilité accrue aux aléas climatiques. (…)
Par la suite, l’industrialisation va encore accroître l’exploitation à la fois des peuples colonisés mais également de leurs écosystèmes. Les cinq derniers siècles de pillage portent ainsi en eux les germes de la crise écologique globale que nous connaissons ».

Les priorités

Cet article ajoute que le pillage mis en œuvre durant la période coloniale « a perduré grâce à une arme aussi pernicieuse qu’efficace : la dette ». En effet, la dette est devenue la pièce centrale d’un néo-colonialisme, permettant aux grandes puissances (pays riches au service de leurs entreprises transnationales) de poursuivre l’accaparement du monde sans s’encombrer de la tutelle politique.
Par ailleurs, le système dette va aggraver la situation environnementale des pays du Sud de deux autres manières : la première est l’aggravation de la pauvreté, qui va contraindre des populations entières à pressurer leur environnement à des fins de survie ; la seconde, découlant de la première, est la prolifération des bidonvilles, dont la nature informelle va impacter considérablement les écosystèmes.
En bref, parvenir à dépasser l’impasse écologique dans laquelle une grande partie de l’humanité se trouve déjà ne pourra se faire sans remettre en cause le cadre économique créateur d’inégalités, d’exploitation et de gaspillage. Suite à ce constat, on serait tenté de dire que, pour tout écologiste convaincu, l’annulation de la dette et la fin du néo-colonialisme devraient être parmi ses priorités ».

« Pas maîtres de notre destin »

C’est exactement ce que Claudia Laup, une jeune habitante de Sans-Souci, a déclaré en tant que Réunionnaise le 10 mai dernier lors des premières Rencontres Citoyennes organisées à Saint-Paul par l’association pour la Promotion du génie collectif réunionnais afin de « réconcilier les Réunionnais pour un projet de responsabilité, de solidarité et de partage ».
Après avoir rappelé que notre peuple, né il y a 350 ans, n’a cessé de grandir sous un système colonial, avec près de 200 ans d’esclavage, Claudia Laup a souligné que « toujours les Réunionnais se sont retrouvés divisés entre ceux qui ont tout et ceux qui n’ont rien, ou presque rien :
• il y avait les esclaves et les gros propriétaires ;
• il y avait les affranchis et les mêmes gros propriétaires ;
• il y a ceux qui vivent en dessous du seuil de pauvreté et les sur-rémunérés.
Nous avons eu soi-disant la liberté. Mais nous ne sommes pas maîtres de notre destin. Pour tout ce dont on a besoin, il faut toujours demander ».

« Conquérir notre vraie liberté »

Et voici la conclusion de cette intervention de Claudia Laup : « Aujourd’hui, il faut unir les Réunionnais. Il faut cesser les divisions. Quand on parle d’une seule voix, on est entendu.
La suppression du département est une occasion exceptionnelle de créer une nouvelle société réunionnaise. Il faut saisir cette opportunité pour débattre ensemble du modèle de société que nous voulons pour nos enfants.
Il faut oser imaginer de nouvelles relations dans la population, basées sur un nouveau partage des responsabilités, dans le respect des différences et dans la solidarité avec les plus faibles et les plus fragiles.
Profitons de la suppression du département pour conquérir notre vraie liberté : la liberté de décider ! ».

 Roger Orlu 


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