Billet philosophique(*)

« Soumettez-vous ! »… ou révoltez-vous ?

19 décembre 2014, par Roger Orlu

L’actualité culturelle réunionnaise a été marquée la semaine dernière par le 5ème ’Festival des Révoltés de l’Histoire’, organisé par l’association Protéa à Saint-Denis et consacré cette année aux ’Sociétés coloniales en mouvement aux 19ème et 20ème siècles’. Pendant huit jours, ce festival de films documentaires a permis à plus de deux mille personnes d’avoir des échanges lors de projections-débats, conférences et séances scolaires « à l’attention de l’ensemble du peuple réunionnais », comme cela est annoncé dans le programme, pour tirer des enseignements de la colonisation du passé comme actuelle afin de nous libérer de ce système inhumain.

Lucien Hanoun, un Français anticolonialiste, qui à cent ans « continue à militer au sein de l’ACCA (Agir Contre le Colonialisme Aujourd’hui) ».

Un ami de la philo à La Réunion nous a signalé que la radio France Culture a consacré récemment cinq émissions à un militant français anticolonialiste centenaire, Lucien Hanoun, né le 19 septembre 1914 en Algérie de parents juifs algériens. France Culture l’a rencontré chez lui, près de Paris à Vitry, « où il est le plus vieux militant communiste de la ville » et qui à cent ans « continue à militer au sein de l’ACCA (Agir Contre le Colonialisme Aujourd’hui), dont il est membre fondateur avec Henri Alleg » ; et la radio souligne que « son amour des peuples a nourri son idéal communiste » (voir le site : http://www.franceculture.fr/player/reecouter?play=4946072.
Cet idéal anticolonialiste au service des droits des peuples a profondément marqué les combats pour la liberté durant le passé colonial évoqué lors de ce magnifique 5ème Festival des Révoltés de l’Histoire, animé notamment par l’universitaire réunionnais Bruno Maillard au nom de Protéa. Et les films admirables diffusés à cette occasion ont montré à quel point « les siècles de la colonisation ont été le théâtre de brutales conquêtes de territoires à travers le monde et d’exploitations sordides de peuples autochtones, orchestrées par des États, des entreprises privées ou des communautés religieuses soi-disant "civilisés" ».

« Un crime contre l’humanité »

Il y a de nombreuses leçons à tirer de cette Histoire dans le contexte actuel, marqué notamment par les formes nouvelles de la colonisation, parfois des décennies après son abolition officielle, dans le cadre de la mondialisation du système capitaliste. Parmi ces leçons, nous devons prendre conscience de l’utilisation constante par les colonialistes de colonisés pour réprimer voire massacrer massivement les combattants de la liberté, comme ce fut le cas par exemple lors de la révolte du peuple malgache en 1947 contre l’occupation française de la Grande Île Rouge.
Dans le documentaire consacré à cet événement, on voit notamment des Réunionnais obligés par l’État français de jeter sur des villages — à partir d’avions militaires en vol — des prisonniers malgaches, équipés du drapeau de la France portant ce mot d’ordre : « Soumettez-vous ! ». Voilà pourquoi, en raison de tous les crimes horribles commis par les États coloniaux dans le monde, lors d’un débat, un intervenant a émis le vœu « que la colonisation soit reconnue comme un crime contre l’humanité ».

De quoi se révolter

Une autre leçon à ne pas oublier, ce sont les divisions et les trahisons cultivées constamment par les colonisateurs dans les peuples opprimés pour mieux les dominer et les exploiter toujours plus. Ce fut le cas par exemple lors de la révolte de nos ancêtres esclaves dans la région de Saint-Leu en 1811, où l’esclave Figaro, fortement récompensé par les esclavagistes, a dénoncé Élie, Gilles et leurs camarades qui préparaient leur révolte pour la liberté dans les hauts de la ravine du Trou (voir le beau film de William Cally, "Élie ou les forges de la liberté").
Enfin, nous retiendrons un autre concept important évoqué lors de ce festival, en particulier à travers le film "Cuba, une odyssée africaine" : celui de l’internationalisme ; c’est-à-dire l’importance de la solidarité entre les peuples dans les combats anti-colonialistes. Aujourd’hui encore, face à un néo-colonialisme mondialisé, où priment la concurrence et la compétitivité, il est important de renforcer les liens solidaires nationaux et entre les peuples sur des projets communs pour construire un développement durable et humain. De quoi se révolter ensemble face aux profiteurs et diviseurs, qui veulent toujours abattre les partisans de la liberté !


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