Billet philosophique

Sudel Fuma, un héros de la culture de notre identité réunionnaise

18 juillet 2014

Après celle de Franswa Sintomèr le mois dernier, une nouvelle très grave disparition vient de frapper le peuple réunionnais : celle de l’historien Sudel Fuma, victime avec un ami pêcheur d’un accident mortel en mer au large du Port le samedi 12 juillet dernier. A l’occasion de cette tragique disparition et pour lui rendre hommage, nous voudrions vous faire part de quelques réflexions sur sa vie et son œuvre afin de nous encourager à continuer son combat tous ensemble le plus nombreux possible.

Sudel Fuma avec les deux jeunes artistes chinois qui ont réalisé la stèle inaugurée le 13 octobre dernier à Meizhou en Chine, en présence de représentants des divers peuples de l’Indianocéanie, lors de la dernière étape de la Route de l’esclave et de l’engagé dans l’océan Indien.

Président de l’association Historun, professeur des universités en histoire contemporaine et directeur de la Chaire UNESCO à l’Université de La Réunion, notre cher Sudel Fuma, décédé à l’âge de 62 ans, nous laisse en héritage une vie et une œuvre marquées par de multiples qualités à faire connaître à nos compatriotes. C’est pourquoi, dans les nombreux éloges déjà exprimés à son sujet par diverses personnalités culturelles, politiques et autres sur ses qualités, nous proposons d’en retenir trois qui sont particulièrement importantes.
La première, c’est l’immense travail accompli par Sudel comme d’autres historiens réunionnais pour la connaissance de notre passé et des enseignements à en tirer afin de construire notre avenir. A ce sujet, on peut citer par exemple les découvertes qu’il a faites dans des archives londoniennes sur la révolte de nos ancêtres esclaves avec Elie dans la ravine du Trou à Saint-Leu en novembre 1811 ; un événement historique capital qu’il a fait connaître au peuple réunionnais avec de nombreux partenaires comme le cinéaste William Cally.

Lutte contre le racisme

Outre la connaissance de notre Histoire spécifique, il a cultivé des valeurs fondamentales comme la lutte contre le racisme hérité de la colonisation du pays, de l’esclavage et de l’engagisme ; cela, afin de valoriser les atouts de l’interculturalité réunionnaise et de l’identité de notre peuple. A ce propos, nous pouvons rappeler entre autres cette lettre de Sudel publiée par « Témoignages » le 10 mai dernier où il dénonce des inscriptions racistes anti-comoriennes qu’il venait d’apercevoir sur des murs dionysiens ; d’où cette déclaration : « À notre niveau, celui de la Chaire UNESCO, nous nous engageons à agir plus que jamais pour combattre l’intolérance et le racisme. Être silencieux et laisser faire c’est être irresponsable et même coupable ».
C’est dans cet esprit également que Sudel a mené un travail considérable pour célébrer tout au long de l’an dernier et avec de nombreux partenaires aussi bien institutionnels qu’associatifs le 350ème anniversaire de la naissance du peuple réunionnais. Face à la politique assimilationiste des classes dominantes et à leur mépris de l’identité réunionnaise, il a soutenu de nombreuses actions pour renforcer la reconnaissance de cette identité mais aussi l’unité de notre peuple et de la créolité réunionnaise dans le respect de la diversité de ses racines.

Union dans la diversité

Après la culture de la connaissance et la lutte contre toutes les formes de racisme ou de discrimination, cette union dans le respect de la diversité est le troisième concept que nous voudrions mettre en avant dans l’œuvre de Sudel. En effet, une de ses qualités exemplaires est d’avoir eu des comportements de rassembleur, en prônant par le dialogue l’union dans l’action, afin de faire réellement avancer ensemble les causes que nous partageons.
L’exemple que nous voudrions citer à ce sujet est la réalisation — de 2004 à 2013, avec les divers peuples frères de l’Indianocéanie — des diverses étapes de la Route de l’esclave et de l’engagé dans l’océan Indien. Et dans le courrier cité plus haut, Sudel nous faisait ce rappel : « Le 20ème anniversaire en 2014 du programme de la Route de l’esclave dans le monde mis en œuvre par l’UNESCO pour promouvoir la connaissance de l’histoire de l’esclavage, le respect de l’Autre, la richesse de nos sociétés interculturelles doit être l’occasion pour nous de relever le défi d’accomplissement d’un monde solidaire, respectueux de la diversité culturelle et religieuse, facteurs de paix pour les générations à venir ».
Eh bien, notre fidélité aux combats de Sudel, un héros de la culture de notre identité réunionnaise, et la meilleure façon de lui rendre hommage ne consistent-elles pas à être à l’écoute de cet appel ?…

Roger Orlu


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