Billet philosophique

Un 21ème siècle solidaire

2 mai 2014, par Roger Orlu

Après notre compte-rendu vendredi dernier du débat animé le 19 avril à la Médiathèque Alain Peters du Moufia par le président du Cercle Philosophique Réunionnais sur l’importance de développer l’interculturalité à La Réunion et dans le monde, nous revenons sur ce sujet car un événement très important vient de confirmer la justesse de cette idée. Il s’agit de la 2ème édition du colloque international organisé ces 29 et 30 avril par l’ODI-Réunion (Organisation pour les initiatives de la Diaspora Indienne de La Réunion), présidée par Jean-Régis Ramsamy, en partenariat notamment avec la Fondation (mauricienne) pour l’Interculturel et la Paix (FIP), le Conseil général et l’Université de La Réunion. Ces deux journées ont été marquées par de nombreuses interventions d’experts réunionnais mais aussi de l’Indianocéanie et de France ainsi que des échanges très riches sur le thème : ’Interculturel, diaspora indienne et mondialisation : réalités, enjeux et perspectives’.

Parmi les nombreux intervenants au colloque, Sudel Fuma, Céline Ramsamy-Giancone, Prosper Éve et Laurent Sermet.

Cet « autre regard sur le monde » s’est déroulé sous la présidence d’honneur du célèbre écrivain franco-mauricien — et à grand-mère maternelle réunionnaise — Jean-Marie Gustave Le Clézio, prix Nobel de littérature en 2008, qui dans la préface du livre "L’interculturel ou la guerre" du philosophe mauricien Issa Asgarally, écrit : « si nous ne réalisons pas maintenant l’interculturel, préparons-nous à voir nos enfants entrer dans la guerre ». Et comme l’a dit Nassimah Dindar, présidente du Conseil général de La Réunion lors de l’ouverture du colloque au Palais de La Source, ce combat « est important au-delà de la communauté scientifique » car « c’est dans la société toute entière qu’il convient de faire grandir la connaissance, la compréhension du passé, du temps présent et du vivre-ensemble propre aux sociétés du sud-ouest de l’océan Indien ».

« Le dialogue grâce à la philosophie »

Voici donc quelques brèves citations d’une partie des nombreux intervenants lors de cette rencontre, dont les contributions seront publiées intégralement dans six mois environ, comme l’a annoncé Michel Latchoumanin, professeur à l’Université de La Réunion et président du comité scientifique du colloque :
• Le Consul de l’Inde à La Réunion : « nous devons transformer nos idées en actions pour accélérer le changement nécessaire ».
• Le recteur de l’Académie de La Réunion : « notre culture collective doit être ouverte sur le monde ».
• Sarojini Bissessur-Asgarally, présidente de la FIP : « il faut une inter-action des cultures du monde pour une justice et une paix sociales ».
• Jean-Marie Gustave Le Clézio : « dans un monde égoïste et cupide, il n’y a pas de place pour l’humanité ; c’est un ferment des guerres futures ».
• Issa Asgarally : « l’UNESCO est pour le dialogue des cultures grâce à la philosophie ».

« Sortir le pays de cette ornière »

• Mario Serviable, docteur en géographie : « pourquoi le mot "interculturalité" ne figure-t-il pas encore dans les dictionnaires ? ».
• Michèle Marimoutou-Oberlé, professeure agrégée d’histoire-géographie : « face aux violences dont ont été victimes les engagés mis en quarantaine au Lazaret de la Grande-Chaloupe, la solidarité n’a cessé de se renforcer et elle a fondé en partie notre société actuelle ».
• Aggarwal Kusum, de l’Université de Delhi : « pour le philosophe indien Rabindranath Tagore, dans notre vie la nation peut être une valeur absolue, quand elle est basée sur la justice et la liberté, dans le respect des autres patries ».
• Prosper Ève, professeur d’histoire à l’Université de La Réunion : « la langue créole a créé l’harmonie originelle du peuple réunionnais par la mise en commun des savoir-faire par les esclaves, les engagés et les autres habitants, porteurs d’un patrimoine qui a enrichi celui de leur pays d’accueil ».
• Abdoullah Lala, chargé d’enseignement à l’Université de La Réunion : « le peuple réunionnais est victime d’une crise sociale très grave ; il faut absolument trouver les moyens de sortir le pays de cette ornière ; en particulier par l’ouverture aux autres pays de notre région ».

« Luttons pour la liberté et pour une société égalitaire »

• Max Banon, membre du Conseil économique et social de La Réunion : « on arrive à la fin d’un système ; d’où l’importance d’une nouvelle étape de la décentralisation pour une gouvernance réunionnaise démocratique ».
• Céline Ramsamy-Giancone, doctorante en histoire contemporaine, coordonnatrice du comité d’organisation du colloque : « selon Le Clézio, on est passé de l’ère tribale durant l’esclavage et l’engagisme à l’ère prolétaire, où la division entre dominants et dominés reste la ligne de partage du monde ; c’est pourquoi il est nécessaire de réaliser un partage non discriminatoire du monde, sur le plan socio-économique et culturel ».
• Conclusion de Michel Latchoumanin : « face au matérialisme dominant, luttons pour la liberté et pour une société égalitaire, plutôt que pour des places ; apprenons à communiquer avec la raison ; le 21ème siècle sera solidaire ou ne sera pas ».
Voilà le sens que l’on peut donner à la valorisation et à la promotion de l’interculturalité réunionnaise…

Roger Orlu


Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?


Témoignages - 80e année


+ Lus