Billet philosophique

Un peuple libre et responsable

15 janvier 2016, par Roger Orlu

Des réflexions philosophiques sont-elles autorisées à propos d’un projet de loi ? Cela peut se discuter ; mais, comme nous allons le voir, la philosophie peut contribuer à apporter un éclairage sur les enjeux de notre société et sur les perspectives à tracer pour notre avenir. Cela est d’autant plus important que nous allons célébrer le 19 mars prochain le 70e anniversaire de la loi Vergès-Lépervanche, qui a officiellement aboli le statut de colonie de notre pays et que dans les mois prochains devra être votée une nouvelle loi — celle de l’égalité réelle — pour un nouveau changement de statut de La Réunion. Mais quel sens et quel contenu doivent être donnés à cette décision politique ? Et qui s’en préoccupe ?

Des appels du Mouvement ATD Quart Monde à La Réunion lors de l’édition 2015 de la Journée Mondiale du Refus de la Misère.

En France, trois célèbres intellectuels viennent de publier un manifeste apportant un éclairage très intéressant sur cette problématique, à partir des bouleversements que vit l’humanité. Cet ouvrage, intitulé ‘’Vivement le monde à venir’’, est réalisé par Nicolas Hulot, Edgar Morin et Patrick Viveret, et une vidéo est à la disposition du public à ce sujet sur le site [www.festivalcheminfaisant.com>http://www.festivalcheminfaisant.com]

À ce propos, dans un entretien avec ‘’l’Humanité Dimanche’’ du 7 janvier dernier, le philosophe et économiste altermondialiste Patrick Viveret prône une « résistance politique créatrice » face aux causes des malheurs qui frappent les peuples du monde ; et cela, en « nous attaquant au fondamentalisme marchand ». Selon lui, il faut donc « un contre-pouvoir face au capitalisme », « via l’économie sociale et solidaire, le commerce équitable, l’agroécologie, l’expérimentation émancipatrice » et il estime qu’« aujourd’hui, dans le monde entier, des initiatives sont porteuses de ces expérimentations émancipatrices ».

Le « patriotisme économique » réunionnais

Nous vivons cela à La Réunion, au moment où se prépare la loi sur l’égalité réelle, comme le montre par exemple la tribune de l’économiste Jean-Yves Rochoux publiée ce 7 janvier par ‘’Le Quotidien’’ sur « la nécessité de la protection du patrimoine économique réunionnais ». Celui-ci est en effet gravement menacé par « le développement de la mondialisation économique et financière » et « le problème concerne la prise de décision ».

L’universitaire cite de nombreux exemples d’« entreprises réunionnaises cédées à des sociétés extérieures » et « d’une tendance lourde (où) La Réunion perd le contrôle de son économie », avec des décisions qui vont « à l’encontre des intérêts de l’économie réunionnaise » et bien sûr des travailleurs. C’est pourquoi, selon Jean-Yves Rochoux, « compte tenu de la nécessité impérieuse de changer de modèle à La Réunion, on peut se poser la question de savoir s’il n’y a pas quand même quelque chose à faire dans le sens du patriotisme économique ».

Alon donn anou la min

Cela encourage les organisations syndicales, politiques et associatives réunionnaises qui continuent à se battre pour un peuple réunionnais qui ne soit plus dominé par la loi du profit, du marché, du capitalisme néo-colonial et donc par les injustices et oppressions générées par cette loi. Cela passe par l’unité idéologique et la solidarité dans le combat pour la liberté, face aux divisions et trahisons qui font plaisir aux néo-colonialistes.

Cette unité, dans le respect de la diversité, doit se faire sur la base d’un projet commun qui donnera au peuple réunionnais le pouvoir de décider lui-même tout ce qu’il faut faire pour une société égalitaire, un pays non pollué, un partenariat équitable avec la France, l’Union européenne et l’Indianocéanie. Donc alon donn anou la min pou batay ansanm pour une loi faisant de nous un peuple libre et responsable.

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