
Une nouvelle prison au Port : une hérésie !
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31 octobre 2013
L’intérêt que suscitent les plus reculées des civilisations antiques provient de ce qu’elles interrogent le sens de l’écriture et de la lecture ensemble à la source même, à peine sorties de la fraîcheur de leur invention, tout auréolées de leur découverte. Héros d’un des plus anciens écrits, Gilgamesh figure parmi la liste des rois d’Uruk, la ville à laquelle on rattache l’invention de l’écriture, voire le tournant de la civilisation sumérienne. Il en est d’ailleurs l’un des tout premiers.
Son épopée raconte qu’il refusa l’amour que lui proposait Inanna, la dévoreuse d’amants, pour partir en quête de l’herbe de l’immortalité, qu’il trouva et que finalement il perdit. L’écriture, précisément, figure cette immortalité trouvée, puis perdue ; c’est le serpent qui s’allonge sur la ligne, qui l’enchevêtre, rebondit, glisse, toujours plus loin, jamais rassasié, et qui fait une promesse d’une immortalité qu’il ne peut tenir. Mensonge à jamais à vérifier.
L’écriture au départ est donc à la fois liée à une lutte contre la Mort et à l’inassouvi. Elle est un des plus fidèles reflets de l’être humain.
L’Ancien Testament trace des pistes qui vont aux secrets de l’écriture. Il nous aide à comprendre l’écriture du monde et, plus spécifiquement, ce lieu qui est fait d’une parenthèse, entre mer et montagne, ravine et galets. La Bible est fondée autour d’une double négation : la malédiction de sa propre image et celle de sa propre langue. Il est écrit dans la Genèse que Dieu fit l’homme « à son image et à sa ressemblance ». La désobéissance d’Adam et d’Ève fait qu’ils s’éloigneront de cette image que l’homme perd, exilé de lui-même, brisé en éclats. Il ne subsiste plus de cette image exacte que « des reflets incomplets, des formes tronquées et estompées » , pour reprendre Jacques Henric.
À cette peine à double sens que rencontre l’homme à retrouver sa propre image s’en ajoute une autre : celle du Verbe divin, cette univocité du dire qui lui a échappée, éparpillé en langues multiples depuis la fondation de la Tour de Babel.
Les deux malédictions touchent l’une au ciel de la parole, l’autre au zénith de la figuration : il est déjà périlleux de parler de soi et de se représenter soi-même, alors pour tous les Migrants qui débarquèrent en ce lieu de l’entre-deux ?
La Grande Chaloupe en ses lazarets représente un morceau de la Babel échouée sur la côte nord de La Réunion : là aussi ont éclaté les langues. Tel fut ce lieu officiel où l’on perdait son langage. Et perdre sa langue, c’était ne plus arriver à se voir, c’était troubler davantage sa vision. Ne plus arriver à dire.
Alexandre le Grand repoussa l’ oikouméné (la terre habitée) en écrivant sous les sabots de Bucéphale sa propre légende. Pour la première fois avec ses conquêtes, l’Occident antique rencontrait l’Inde, et, avec elle, apparurent les limites de ses propres forces.
326 avant notre ère, le Conquérant grec franchit le fleuve Indus. Le rajah du Pendjab, Porus, s’est préparé au combat, il a mobilisé ses éléphants de guerre. Il est pourtant défait, et traîné devant Alexandre, qui lui demande : « Comment veux-tu être traité ? » « En roi », répond-il. Frappé d’une telle noblesse, Alexandre rend à Porus son royaume et borne par ce geste sa conquête, sa geste. L’Inde sera à la fois la barrière et l’horizon de l’Occident. Ils se rencontreront pourtant (ailleurs que dans Plutarque ou dans la peinture de Le Brun), au milieu de l’Océan, par exemple : à la Grande Chaloupe.
L’historien Jacques Le Goff dans plusieurs études évoque l’Inde vue par l’occident médiéval. Il montre combien l’imaginaire européen faisait de l’Inde une contrée double : un pays de merveilles et de monstres. Le pays trace, dit la tradition, la ligne qui le sépare du paradis. L’Inde apparaît comme le plus lointain connu, là où, selon les légendes, se trouvent les féroces peuples de Gog et Magog, les gardiens des portes de l’Eden. Là vivent les monopodes, ces hommes qui n’ont qu’un seul pied qu’ils tiennent levé au-dessus de leur tête pour s’abriter du soleil et de la pluie, le peuple des cynocéphales, ces hommes à tête de chien qui voient, quand ils vieillissent, leurs poils, non blanchir, mais noircir. S’y trouve une espèce d’hommes qui vit de l’odeur d’une seule espèce de fruit et qui meurt s’il ne peut plus la respirer — version exotique de la Rose mystique. La fontaine de jouvence s’y trouverait, l’Inde est le pays du Phénix immortel, de la Licorne immaculée. Solin y mentionne cinq mille villes et neuf mille nations, c’est un lieu d’abondance, comme les Enfers grecs. Il fallait que l’Inde ait intrigué l’Occident, qu’il l’ait émerveillé, effrayé pour être ainsi apprivoisé, désenchanté, ce qui fut fait au XIXe siècle : la Grande Chaloupe servait à ça.
L’objectif pourtant n’a pas pleinement abouti, à en croire un habitant du quartier qui témoigne ainsi : « Quand j’étais adolescent, on entendait des bruits de chaînes dans le Lazaret. Les anciens disaient que c’étaient celles de zam pa ramasé, âmes qui ne sont pas passées par l’église, de personnes mortes de façon catastrophique. On ne les entend plus depuis plusieurs années. Un prêtre franciscain est venu exorciser l’endroit et nous avons fait des processions pour essayer de faire partir ces âmes. Les Engagés voulaient nous faire savoir par leurs âmes qu’ils avaient été enchaînés. J’ai découvert dans le dortoir des gonds qui le prouvent ». Les fantômes sont des restes de paroles tues. Des litanies mal effacées.
L’Occident depuis l’accélération impulsée par la révolution industrielle n’a pas eu le temps, dit-on, en profondeur, de ruminer sa propre histoire et de comprendre sa propre image.
Assis sur le muret du cimetière, non loin du quartier d’isolement, je songe. Me parvient le bruissement des gousses sèches secouées par les alizés. Ma fille se berce sur les racines aériennes d’un banian qui ont été nouées pour l’amusement des enfants. On dit que chaque racine est une histoire. Des murmures dans une langue inconnue, apportées par le vent, se nouent en moi. Mon visage est penché vers la terre ; la petite, chevauchant sur les branches, elle, rêve de ciel.
Jean-Charles Angrand
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