Ubu roi, rue de Grenelle

25 octobre 2011

Faut-il qu’il en veuille à l’école républicaine, à ses personnels et à ses élèves, Sarkozy, pour s’être à ce point acharné, dès son accession à la présidence, à les pilonner sous un déluge de coups dignes de ceux qu’il fit porter par ses soldats au dictateur libyen et à ses troupes... J’ai déjà dans de multiples chroniques évoqué les postes supprimés, les classes fermées, le soutien aux plus faibles laminé, le Bac dénaturé, la formation des maîtres réduite au quasi-néant, bref, l’opiniâtre politique de destruction massive que mène contre l’Enseignement public notre Attila élyséen, fléau de l’Éducation.

Recrutements sinistrés

Sur le recrutement et la formation des maîtres, par exemple, on savait que la réforme imposée (recrutement au niveau Master, soit à Bac +5, et affectation sans stage des lauréats devant les élèves) était profondément contestée. Confirmation officielle de ce rejet vient d’être donnée, de façon péremptoire, par le Comité Master, présidé par le professeur Jean-Michel Jolion, qui vient de rendre public le rapport que lui avaient commandé, en octobre 2010, les deux ministres concernés (Éducation nationale et Enseignement supérieur). Ce rapport constitue un réquisitoire accablant contre la « mastérisation » qui « met les étudiants en situation d’échec par accumulation de contraintes, au lieu de les mettre en situation de réussite ». Il souligne que « les deux ministères n’ont pas fait la preuve d’une véritable volonté de travail collectif » et rappelle que cette réforme est « décriée parce qu’elle a principalement été amorcée pour des raisons budgétaires ». Son constat final est d’une brutale lucidité : les candidats au professorat sont confrontés à un « concours complètement déconnecté du métier auquel il est lié ». Bref, un véritable cri d’alarme auquel pour l’instant, ni Luc Chatel, ni Laurent Wauquiez n’ont daigné répondre. Il n’est de pires sourds...

Du soufflé à la crêpe

Ne quittons pas l’Enseignement supérieur sans évoquer une autre réforme foireuse imposée par Sarko et engagée, dans un grand tintamarre médiatique, par Valérie Pécresse : celle dite du « tutorat ». Mise en place en 2007 dans le cadre du plan ambitieusement baptisé « Réussir en Licence », la mesure consistait à permettre aux nouveaux étudiants de trouver un appui auprès d’un « tuteur » (étudiant plus ancien), avec pour objectif de diviser par deux le taux d’échec en première année de Licence. Là encore, le soufflé ministériel s’est vite aplati comme une crêpe, ce que montre une enquête que vient de publier le CEREQ (Centre d’Études et de Recherches sur les Qualifications) après consultation des étudiants de Bordeaux et de Grenoble. La majorité (61%) des étudiants éligibles à cette aide en 2009-2010 l’ont refusée, la jugeant qui « inutile », qui « stigmatisante ». En outre, le contenu même du tutorat est mis en cause, nombre de ceux qui l’ont accepté au départ l’ayant abandonné après quelques séances, le jugeant « sans intérêt », voire « pas motivant ». Côté tuteurs, la sévérité est également de mise, d’abord parce que le temps consacré à l’aide (environ une heure par semaine) est très insuffisant, mais aussi parce qu’en fait, cette aide passe complètement à côté des jeunes qui en auraient le plus besoin. Si Valérie Pécresse est aussi efficace au Budget qu’elle l’a été à l’Enseignement supérieur, on peut commencer à s’inquiéter pour le triple “A” si cher à son Maître !...

Foutoir électoral au Rectorat

Revenons au Second degré pour saluer le gigantesque foutoir qui vient de présider aux élections professionnelles (organisées tous les trois ans), suite à l’obstination du gouvernement d’instaurer le vote par internet : participation en chute libre, erreurs sur les listes électorales, accès au vote verrouillé pour certains, dépouillement bloqué, puis débloqué, puis fixé en nocturne, puis reporté, portes claquées, noms d’oiseaux. Bref, on s’attend à des recours massifs auprès de la juridiction administrative, voire à l’annulation pure et simple de l’ensemble du scrutin.

Ça craint au ministère, ça risque en maternelle

Terminons chez les tout-petits, avec un projet d’évaluation des élèves en maternelle qui déclenche une véritable tempête chez les personnels et les parents. Révélé par “Le Monde” du 13 octobre dernier, ce projet, ubuesque s’il en fut, envisage l’évaluation des élèves de Grande section de maternelle, selon un protocole minutieusement codifié au moyen de 22 fiches passant au crible à la fois les apprentissages et les comportements des élèves. Tenez-vous bien : on se proposerait ainsi, par repérage des troubles de l’apprentissage et du comportement des enfants, de les classer en catégorie « à risques » et « à haut risque ». Ainsi, un élève obtenant un « score » de moins de deux points en comportement serait classé « à haut risque » !... On croit rêver. Heureusement, pour nous sortir du cauchemar, les réactions se multiplient. « Il ne s’agit ni plus ni moins que d’un dispositif de normalisation des enfants de 5 ans ! », tonne la FCPE. Quant au SNUIpp-FSU, il déclare fort justement : « La maternelle n’est pas une école de la compétition et du tri ». Ave, Sarko, le président des maternelles qui se lèvent tôt !...

Une chose est sûre en tout cas : après 5 ans d’exercice solitaire du pouvoir, c’est à un « Président à haut risque » que les Français se devront d’échapper en mai prochain, en renvoyant l’actuel titulaire se ressourcer bien au chaud dans son biotope du XVIème arrondissement du chic et du fric, qui sert de couveuse à la « France des ultrariches » (*) où s’épanouissent les sarkozystes comme les champignons sur le crottin de cheval.

Raymond Mollard

(*) Lire le livre d’Aymeric Mantoux : “Voyage au pays des ultrariches”, Flammarion, 2010, qui s’ouvre sur cette flamboyante épigraphe, empruntée à Karl Lagerfeld, mais qui pourrait être le cri du cœur de Sarkozy : « Je déteste les riches qui vivent au-dessous de leurs moyens ».


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