Action sociale départementale : Qui es-tu ? Dans quelle époque ?

7 mai 2013

Alors que quelques turbulences sont perceptibles parmi les professionnels de l’action sociale à La Réunion, dont leurs syndicats, il nous faut rappeler que l’acte III de la Décentralisation confirme cette compétence-mère, au Conseil général, en y adjoignant le développement social local. Ceci est beaucoup plus qu’une nuance.

Dès les années 80, Nicole Questiaux, Hubert Dubedout, Bertrand Schwartz, Gilbert Bonnemaison, parmi beaucoup d’autres, mettaient en cause « un travail social individuel qui stigmatise les écarts, au lieu de valoriser les ressources ».

Une contribution, allant tout à fait dans ce sens, a été produite récemment par des Directeurs généraux des Services (DGS) de 34 départements français (sans qu’aucun « Domien » ne soit signataire).

Elle a pour titre : « L’action sociale : boulet financier ou renouveau de la solidarité ». Elle vaut son pesant d’or. Ils entendent se positionner clairement « contre le démantèlement… et la déresponsabilisation ». « Les bénéficiaires sont progressivement caractérisés plus sur leurs manques que par leurs capacités à agir pour construire leur devenir… » . Les mots employés à La Réunion sont terribles : « guichets » - « chèques » - « portefeuilles » - « populations-cibles ».

Celles-ci « se trouvent doublement pénalisées en termes d’accès à l’autonomie : un suivi plus parcellisé… et une dépendance accrue à cette multiplicité d’aides souvent abscondes pour eux ».

Tout ce système laisse la place à une incompréhension des personnels, transformés en guichetiers de gare ; une insatisfaction des bénéficiaires ; une stigmatisation de ceux-ci par l’opinion publique, et donc un délitement du lien social.

C’est sur cette analyse pertinente que les signataires souhaitent refonder le développement social en mettant autour de la table tous les acteurs d’un territoire de vie, dont les bénéficiaires, qui ne sont pas des vases vides, en s’appuyant sur « les ressources insuffisamment exploitées et si déterminantes de la solidarité d’engagement : celle de la famille, des voisins, des réseaux, des associations ».

Cet ensemble est une condition majeure pour assurer le bien-être à la base du développement économique, et une bonne gouvernance entre la Région et le Département.

Et d’appeler à une « volonté politique forte » en pointant au passage « qu’à partir de ces fondamentaux mis en action, le Québec a réduit en 10 ans 50% des placements d’enfants » (venant à bout du « boulet financier »  !).

Des questions valent la peine d’être posées au Conseil général que nous avons élu.

Qui est vice-président au Développement social local ? Il y a neuf ans, un « projet social de territoire » (PST) de l’Arrondissement Ouest (expérimentation nationale sur 20 départements) a été magistralement porté par Serge Camatchy et Ibrahim Dindar. Mais pourquoi donc « le guide pour l’action » ( partenarial CG-CAF) qui en est sorti a été rangé dans une armoire, alors qu’il allait très clairement dans le sens de l’appel des DGS, en offrant une méthode pour les diagnostics partagés de territoire ? Serions-nous volontairement restés au XIXème siècle (colonisation) où l’on mettait en place des mécanismes d’assistance et de bienfaisance, où charité chrétienne et contrôle de l’ordre public faisaient bon ménage ?... ou au début du XXème siècle, où le modèle social de l’Etat Providence se dessinait, en mettant au centre de la pratique des travailleurs sociaux la notion d’ « accès aux droits » renforçant un individualisme (à l’ère de la départementalisation) ?

Le positionnement de nos conseillers généraux à travers les discours de notre présidente n’est absolument pas connu du public.

La définition réunionnaise de l’action sociale est attendue depuis 10 ans. Sera-t-elle produite à l’occasion des prochaines « Journées départementales de l’action sociale »  ?

Tout cela est d’autant plus dommageable que les jeux entre partenaires manquent de transparence. La CAF relayant la dernière circulaire de la Caisse nationale sur « l’animation de la vie sociale » va dans le sens que nous attendons, avec la naissance et l’agrément de 7 Centres sociaux à La Réunion.

L’IRTS, chargé de la formation initiale des assistant(e)s sociaux, des éducateurs et éducatrices spécialisés, des éducateurs et éducatrices de jeunes enfants, des conseillères en économie sociale et familiale, et aussi de la formation continue, déploie clairement et efficacement cette philosophie d’action.

Pourquoi donc la commande politique et institutionnelle va à contre-courant, et continue d’épuiser des professionnels dans des tâches strictement assistancielles, les empêchant d’aller à l’essentiel qu’ils portent en termes de valeurs et de motivations initiales ? Ne serait-ce qu’un enjeu électoral ?

Marc Vandewynckele


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