Afrique, un nécessaire changement de regard

31 mai 2010

« Le regard porté sur l’Afrique est plus meurtrier que ce qui s’y passe réellement »

Kofi Yamgnane

La commémoration du cinquantième anniversaire de l’accession à l’indépendance de quatorze pays d’Afrique, nous donne l’occasion de nous interroger sur le regard que nous portons sur l’Afrique, continent avec lequel nous sommes liés historiquement et culturellement.

Nos images de l’Afrique sont celles d’un continent à la dérive qui a raté le tournant du développement. Après les ravages de la traite et de l’esclavage, on nous donne à voir un continent aujourd’hui ravagé par la corruption, les famines, les épidémies, les guerres civiles et les génocides.
Certes, on ne nous présente plus des Africains derrière les grillages aux côtés des singes, mais des séquences d’enfants africains squelettiques, des colonnes de réfugiés ballottées en tous sens sur les pistes poussiéreuses, des images déchirantes de guerres tribales, des hordes rebelles et des enfants soldats ployant sous des fusils. Bref, une image misérabiliste et un regard compassionnel d’un continent qui n’est pas rentré dans l’histoire. « Le drame pour l’homme africain, c’est qu’il n’est pas assez rentré dans l’histoire », disait le président Sarkozy, le 27 juillet 2007, à Dakar.

Afrique pauvre, Afrique corrompue, Afrique sanguinaire : telle est majoritairement notre représentation de l’Afrique. Les médias ne sont pas pour rien dans cette construction de notre regard sur l’Afrique. Et pourtant, l’Afrique est un continent qui représente d’immenses potentialités et qu’on ne peut réduire à "sa face sombre" :

- un sous-sol qui recèle tous les métaux précieux – 30% des réserves minérales mondiales - dont les pays industrialisés ont tant besoin et du pétrole de bonne qualité en abondance – 10% des réserves mondiales ;

- une pluralité de cultures et de langues originales qui ont permis aux Africains de résister ;

- des espaces « vierges » immenses considérés comme autant de réserves pour un développement durable ;

- une population jeune, dynamique et mobile, et une société civile extraordinairement active ;

- enfin, des villages qui entrent progressivement dans la modernité.

Le discours misérabiliste et défaitiste dominant sur l’Afrique n’est plus aujourd’hui de mise. D’autant plus que le continent se caractérise aujourd’hui par des marchés intérieurs en très forte croissance. Le taux de croissance de son PNB est de l’ordre de 6% par an, avec des records pour l’Angola. Les 44 pays du Sud du Sahara devraient atteindre près de 5% de croissance cette année (Jean-Pierre Rémy, "Le Monde" du 21 mai 2010). Et dans les pays de la zone franc, les déficits publics représentent, selon le FMI, moins de 3% du produit intérieur brut et l’inflation y est quasiment inexistante (Jean-Michel Dijian, "Ouest France.fr", 29/05/2010).

Certes, les peuples et les sociétés de l’Afrique subsaharienne sont toujours aux prises à des défis colossaux qui ont pour noms : paix, démocratie, éducation, développement, modernité, mais le continent, dans l’extrême diversité des situations qui le caractérise, est en train de relever la tête. C’est un continent en pleine transformation. Les temps à venir seront certainement ceux de changements positifs. Ce dont l’Afrique a besoin, plus encore que de capitaux, de technologies et d’investisseurs étrangers, c’est « de retrouver cette part d’elle-même qui lui a été dérobée : son humanité » (Aminata Traoré).

Cette inversion de notre regard sur l’Afrique n’a jamais été aussi nécessaire. Par respect d’abord pour nos frères Africains qu’on ne peut continuer à enfermer dans l’image négative qu’on leur a imposée. Et ensuite, par respect pour nous-mêmes, car l’Afrique est une composante de notre identité. Plus que d’autres, nous avons un « besoin d’Afrique ».

Reynolds Michel


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