Aides européennes : les sucriers se sucrent

5 mai 2009

À quelques semaines des Européennes, l’information fera du bruit. Ceux qui répètent que l’Europe aide La Réunion devront préciser qu’elle soutient certains et pas n’importe qui.
Par le biais de la Politique Agricole Commune, (PAC), Bruxelles attribue chaque année des subventions aux agriculteurs. Un règlement oblige désormais chaque État à publier, à la fin du mois d’avril, la liste nominative des bénéficiaires et les montants perçus. On connaît donc la répartition des 8 milliards d’euros que touche la France.
La liste française pour la période septembre 2007-septembre 2008 est éditée par le Ministère de l’Agriculture. L’accessibilité aux informations n’est pas très aisée.
On retient que sur les 24 sociétés ayant touché des sommes supérieures à 5 millions d’euros, n’y figure aucun agriculteur. Les grosses sociétés industrielles de l’agro-alimentaire touchent le pactole. Le numéro un est le volailler Doux suivi par des sucriers tels Saint-Louis Sucre. Mais aussi Tereos, numéro deux européen du sucre (26,27 millions d’euros) qui a des intérêts dans l’île, et la Sucrière de La Réunion qui a touché 25,6 millions. D’une manière générale, les usiniers des DOM se retrouvent dans le peloton de tête, puisqu’on y recense aussi une société guadeloupéenne.
En 2006, sous la pression de l’OMC, Bruxelles engagea une profonde réforme de son organisation du marché du sucre : baisse progressive du prix du sucre de 36% sur 4 campagnes ; réorganisation du système de quotas et réforme du régime d’aides. Arguant d’énormes difficultés, les industriels domiens s’étaient battus pour obtenir le maintien, sinon le renforcement de leurs subventions. On peut aujourd’hui apprécier les résultats de cette bataille. Il y a tout lieu de penser que les 25,6 millions de la Sucrière de La Réunion est sa quote-part des 36,648 millions d’aide forfaitaire d’adaptation que verse Bruxelles aux industriels domiens. Certes, la Sucrière reverse avec l’autre usinier de l’île aux planteurs des subventions (1 million de prime de soutien, aide complémentaire à la replantation sur 3 campagnes), mais ce qu’elle reçoit de l’Europe est tout bénéfice et équivaut pratiquement aux aides versées aux planteurs dont le montant total s’élevait à 34,4 millions en 2003 !
Or, à partir de 2010, les industriels vont percevoir de nouvelles aides de l’Etat : 7,46 millions d’aide forfaitaire à l’adaptation et, pour l’ensemble des DOM, 24 millions de soutien logistique, alors que, dans le même temps, la subvention de l’Europe devrait augmenter.
Tout cela se passe dans un contexte où les usiniers réunionnais paient aux planteurs un prix de la canne en diminution, alors qu’à la différence de leurs homologues métropolitains, ils ne sont pas astreints à mettre en œuvre un plan de restructuration du fait des restrictions de production résultant de la réforme.
La revendication d’une totale mise à plat du financement de la filière telle qu’elle était posée en 2006 reste d’actualité. Ce, d’autant plus que Bruxelles amorce une réforme de la PAC qui sera précisée après l’élection de juin avec l’arrivée d’une nouvelle assemblée de parlementaires et d’une nouvelle commission européenne.

Manuel Socratès

Filière canne-sucre-alcools-énergie

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