Amour ou égoïsme

27 août 2007

Une fois de plus, une mésentente familiale s’est terminée par la mort d’une femme à Saint-Louis. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, c’est dans les familles, où les gens sont sensés s’aimer, qu’il y a le plus de crimes passionnels. Sur une île comme la nôtre, où les religions dominent, où elles sont souveraines, où leur puissance est absolue sur les esprits et les cœurs des Réunionnais, c’est inimaginable de voir autant de meurtres. Aujourd’hui, il s’agit d’un drame de la séparation, demain ce sera un drame de la jalousie. L’enseignement religieux est-il encore adapté à la vie actuelle, serait-il néfaste pour qu’il y ait autant de mauvaises conduites ?
Concernant la justice, si l’on tue quelqu’un que l’on n’aime pas pour lui voler son argent, on peut être condamné à la prison à vie. Par contre, si l’on tue quelqu’un que l’on prétend "aimer", on s’en tire parfois avec cinq ou six ans de prison ! Ce qui signifie que nous vivons dans une société qui encourage ses membres à tuer ceux qu’ils aiment et à laisser vivre ceux qu’ils n’aiment pas. Le simple fait de concevoir que l’on puisse tuer quelqu’un que l’on dit aimer prouve qu’on a une conception assez singulière de l’amour.
Ceux qui pensent ainsi confondent en fait l’amour et l’égoïsme, qui sont pourtant deux choses différentes et incompatibles. En effet, celui qui aime vraiment ne pense qu’à donner et celui qui s’aime lui-même, et qui est donc égoïste, ne pense qu’à prendre.
Celui qui aime vraiment souhaite que son partenaire rencontre quelqu’un qui lui donne encore plus de plaisir, car ce qui passe avant tout pour lui, c’est le bonheur de l’autre. Il facilite les contacts de son partenaire avec des gens qui correspondent à ses goûts. Le partenaire de celui qui aime vraiment, s’il rencontre quelqu’un qui lui donne beaucoup de plaisir, sera reconnaissant envers son partenaire habituel qui l’a encouragé à vivre avec quelqu’un d’autre ces moments merveilleux. Et, dans la plupart des cas, ils se retrouveront enrichis par cette nouvelle expérience. Et si vraiment l’autre rencontre quelqu’un qui le satisfait davantage, celui qui aime vraiment sera rempli de bonheur à l’idée que l’être qu’il aime soit encore plus heureux qu’avant, fut-ce avec un autre.
Le partenaire de l’égoïste, s’il rencontre quelqu’un qui lui donne du plaisir, aura l’impression de voler ce bonheur et le trouvera encore meilleur, comme un fruit chapardé, ce qui l’attachera davantage à son nouveau complice.
L’égoïste a peur que son partenaire n’éprouve davantage de plaisir avec quelqu’un d’autre et l’abandonne, ce qui le privera du plaisir auquel il est habitué, car ce qui passe avant tout pour lui, c’est son plaisir personnel. Il surveille son partenaire afin qu’il ne risque pas de rencontrer quelqu’un qui lui donnera du plaisir. Il préfère garder "son bien", il préfère que son partenaire soit malheureux avec lui qu’heureux ailleurs. Et si cela arrive, il prend son fusil pour supprimer "l’être aimé"... Car il préfère que la personne qu’il prétend aimer soit morte plutôt qu’heureuse avec un autre. Le bonheur de son partenaire, il ne le voit pas, il ne voit que le plaisir qu’un étranger va prendre avec le corps de la personne qui lui appartient. Exactement comme un chien qui n’a pas faim ne supportera pas qu’un autre chien s’approche de son os. Tout comme l’égoïste, dont le partenaire est à lui, l’os est au chien. Seul compte le plaisir qu’il en retire, et il préfère le supprimer que de voir quelqu’un d’autre en bénéficier.
Ce processus qui amène à ce fléau, c’est la jalousie, parce que l’on a inculqué une conception de l’amour qui sous-entend la propriété absolue et définitive et qui nous a été léguée par des millénaires de peur, d’angoisse et d’opposition à la raison et au progrès par les religions. Penser qu’un être que l’on rencontre soit considéré comme sa propriété, cela arrivera à plus forte raison si l’on a "payé" pour obtenir une compagne. Ce mélange entre le commerce et les rapports humains n’est-il pas scandaleux ? Y a-t-il une philosophie qui puisse enseigner et encourager l’amour des différences ?

Désiré Brémont


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