Une prouesse du vivant : l’instinct imageant

29 mai, par Frédéric Paulus

L’évolution langagière d’Homo Loquens aurait concurrencé Homo Visualis, alors que celui-ci sera guidé ce qui deviendra progressivement sa cognition visuo-sensualiste et imaginative, selon nos déductions, et plus tard nous rajouterons, selon ses bases « quantiques ».

Cette capacité ancestrale de visualisation persiste de nos jours sous la forme de « rêves », l’évolution du vivant étant conservatrice. Cette mise en image nocturne, qui s’apparenterait à un instinct imageant, témoignerait d’une véritable intelligence visuelle inconsciente lors du sommeil ; durant ces moments où notre cerveau produit, à notre insu, inlassablement, des images dont nous ne tenons pas forcément compte consciemment mais qui nous « travailleraient » intuitivement. Nous aurions, là précisément, des éléments étayant l’énigme de la « fonction intuition » évoquée par le psychanalyste Carl Gustav Jung.
En dehors de « l’école » jungienne, les psychanalystes se seraient « emparés » de l’étude du sens de ces images pour conforter leurs théories a priori en les instaurant institutionnellement et avec autorité. Et ce, au point de contribuer à l’affaiblissement des sphères d’influence des temples, mosquées et églises ; jusqu’à fonder des écoles ou « chapelles » de substitution, laïques celles-ci. Mais c’est un autre débat que nous soulèverons plus tard.

Je ne dénigrerai pas les fondements salutaires et thérapeutiques de la psychanalyse pour autant car je me considère comme un « rescapé » psychique grâce à mes deux périodes de thérapie.
Très souvent notre splendide organe est fonctionnellement efficient en termes de thermodynamique et consommateur d’énergie durant le sommeil nocturne et plus qu’en éveil — si l’on se réfère aux chercheurs Diogo Queiros Condé et Jean Brissaud. Ceux-ci poursuivent les travaux de Jean Chaline et Laurent Nottale in « L’entropie créatrice », Ellipse, 2023, dont il sera question plus tard.
Les phases du sommeil apparaissent « disciplinairement méthodiques » (génial, le vivant !) en ses différentes séquences dont sa phase REM (Rapid Eyes Movment). Cela nous suggère des alternatives imagées qui peuvent influencer nos décisions. « La nuit porte conseil ! » dit-on.
Serions-nous moins perspicaces éveillés !? Serait-ce, in fine, une blessure narcissique pour notre égo ?!
De grandes découvertes n’ont-elles pas été annoncées en « rêves » ? Nos cerveaux énacteraient des images avant de parler.
https://parallelesud.com/nos-cerveaux-enactaient-des-images-avant-de-parler/

Nous sommes redevables du terme « d’enaction » — le fait « d’impulser hors de » — au neurobiologiste Francisco Varela pour qui corps et esprit ne font qu’un ; dont les travaux relatifs à « l’inscription corporelle de l’esprit » (1993) nous auront permis de nous émanciper d’une vision dualiste cartésienne, « interactive » dirions-nous de nos jours avec la physique quantique des particules.
Le dualisme cartésien exerce toujours une influence néfaste sur nos esprits, si bien que sciences biologiques, sciences médicales et sciences humaines sont abordées et enseignées séparément.
Dans ce contexte, il était inévitable que la production imagée du cerveau soit assimilée à des « rêves », alors que selon nos hypothèses, le cerveau des mammifères — nos très anciens ancêtres — devait disposer d’une sorte de clavier riche d’une multitude de touches correspondant chacune à une nuance imagée prédisposée à composer des images de manière pulsante. Celles-ci rassemblées pouvaient dès lors illustrer un message, comme l’ARN est un messager de l’ADN.
Avec l’apparition progressive de la bipédie, l’émergence du langage parlé et articulé devient possible — liée au cerveau gauche pour les droitiers, inverse pour les gauchers. La traduction erronée des images (désormais effective), et leur interprétation (risquant d’être mensongère) furent relevées et décrites selon Michael Gazzaniga, voir plus loin, poursuivant l’œuvre de Roger Sperry.
Ces messages, émis, énactés selon une syntaxe et un vocabulaire d’images, préfigureraient, avec les travaux du psychanalyste Carl Gustav Jung, des scénarios anticipateurs impulsant des transformations organiques et psychiques reliées. Et ce, dans la perspective de nous éclairer pour nous permettre de faire face aux alternatives ou épreuves qui pourraient advenir.
Ces hypothèses impliquent qu’une véritable intelligence de l’Instinct de l’inconscient, du moins sa dimension non névrosée. L’Inconscient permettant de facto l’émergence d’une conscience plus éclairée, qui peut se libérer d’emprises culturelles, d’habitudes de pensées et de conditionnements dans nos façons d’être se manifesterait, renouvelant notre devenir sans nécessairement le recours d’une psychanalyse.
Cette « conscience éclairée » pourrait être parasitée par des habitudes acquises imposées culturellement comme nous étant « favorables ». Ainsi l’image des aliments sucrés dans l’alimentation, des médications stimulants ou réellement toxiques, et la liste est longue, ou encore des qualités humaines érigées en modèle, en fait des artéfacts culturels, etc.
Ce courrier aura été énacté (rendu possible) par notre lecture de l’ouvrage « L’instinct de conscience, Comment le cerveau fabrique l’esprit », (2023), de Michael S. Gazzaniga.
Nous ne pouvons reprocher à Gazzaniga, non plus qu’aux chercheurs des sciences du vivant d’anticiper des réalités imagées favorisant notre libre arbitre dès lors protégé de jugements, d’idéologies ou d’alibis langagiers.

Frédéric Paulus
Président du CEVE (Centre d’Etudes du Vivant Europe)
Expert extérieur Haut conseil de santé publique

A la Une de l’actu

Signaler un contenu

Un message, un commentaire ?