Attaque de front contre les services publics

9 mai 2003

Tandis que Jacques Chirac semble s’opposer à l’impérialisme américain en matière de politique étrangère, Jean-Pierre Raffarin regarde vers George W. Bush et applique en France les mesures les plus ultralibérales du modèle anglo-saxon… Et dire que les dirigeants de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce) ont craint que certains Etats ne profitent de la guerre pour arrêter les négociations sur le commerce des services (AGCS)… Pas en France en tout cas, où Jean-Pierre Raffarin se débarasse sans état d’âme d’EDF-GDF, du Crédit Lyonnais, d’Air-France, de France-Telecom !
Le gouvernement de Lionel Jospin avait encaissé 30 milliards d’euros d’actifs durant sa législature. De plus en plus de missions de service public ont alors été confiées à des entreprises privées sans aucune évaluation des conséquences pour le citoyen (l’eau par exemple). Francis Mer a déclaré qu’en 5 ans, il mettrait sur le marché l’essentiel des entreprises du portefeuille public hors SNCF et RATP. Remarquez le mot "portefeuille".

Les déclarations fracassantes de nos élus qui expliquaient que la santé, l’éducation, la culture ne sont pas négociables ont fait long feu. Tous les secteurs sont touchés. Un bilan très sombre des premières privatisations a pourtant été dressé : « On voit dans les entreprises privatisées des échecs économiques, un gâchis humain et finalement une régression par rapport aux objectifs affichés », écrit le sénateur Gérard Delfau. Mais tirer les leçons des échecs passés n’est pas à l’ordre du jour.
À la Poste, la mise en concurrence impliquera que les opérateurs privés s’accapareront ce qui est rentable, comme le courrier en Ile de France, et laisseront la gestion des communes alpines, corréziennes ou les écarts réunionnais pour le service public. Cela aboutira à une destruction du service public puisque 4.000 bureaux de poste sont d’ores et déjà estimés "non rentables" par l’inspection générale des finances. Et pourtant ils fonctionnent encore, assurant un service public indispensable à de nombreux Français vivant dans les écarts. Devant les coûts que représenteront ces bureaux de poste "non rentables" et qui ne seront plus compensées par les profits des bureaux "rentables" des grandes villes, La Poste se verra dans l’obligation de les fermer.

Autre exemple, celui de la santé : dans les Côtes d’Armor, la maternité de Paimpol (8.000 habitants) a dû fermer car "non rentable"… Il faut donc que les femmes enceintes aillent accoucher ailleurs, à Saint-Brieuc par exemple, ville qui se trouve à 50 Km : dans une France désormais décentralisée, mieux vaudra vivre dans un grand centre… !
De plus, en 2003, le trafic de fret sera libéralisé, suivi par le trafic des voyageurs en 2008. Quand on sait que les normes de sécurité sont très différentes d’un pays à l’autre, que se passera-t-il alors si, par profit, ces entreprises privées décident de moins investir dans le registre de la sécurité afin de rétribuer plus grassement leurs actionnaires ? Depuis 2002, la SNCF est prestataire de service pour les régions ; mais en 2008, certaines régions ouvriront leurs réseaux ferroviaires à des opérateurs privés comme Vivendi, avec sa filiale Connex. Les trains régionaux qui desservent un lycée, comme en Bretagne, avec des élèves munis de cartes, passeront à la trappe. Il vaudra vraiment mieux vivre dans une ville ! Les communes rurales deviendront des périphéries non rentables donc négligeables…

La mise en concurrence poussera les entreprises publiques à adopter des logiques concurrentielles de type privé. De plus en plus de missions seront alors confiées à des privés. Or une entreprise privée doit servir ses actionnaires, qui demandent toujours plus de profits, ce qui est contradictoire avec les missions de service public.
Dans l’éducation, 56.000 postes de surveillants sont supprimés ; les ouvriers, agents et techniciens de service seront déplacés vers les régions comme les médecins scolaires, les conseillers d’orientation et psychologues. La décentralisation cache la disparition des statuts nationaux qui ont été acquis grâce aux luttes qu’ont su mener nos prédécesseurs, et ces statuts nationaux peuvent seuls assurer des compétences égales pour rendre les mêmes services à tous, parisien comme cafriplainois… C’est un recul sans précédent.
120.000 personnes sont touchées par ces déplacements. Certaines missions (comme l’orientation des élèves) ne seront plus assurées dans les établissements publics.
Depuis longtemps, l’Education Nationale est le point de mire des libéraux de gauche comme de droite. Leur but est de déconcentrer des pans entiers de l’Education, et d’ouvrir certaines missions à des opérateurs privés.
Il faut réagir et se mobiliser contre la loi de décentralisation, le démantèlement programmé des services publics et de l’éducation.

Les négociations sont faites dans le plus grand secret. Le Parlement n’est ni consulté ni même mis au courant des négociations. Les députés doivent être informés et en débattre. Les citoyens doivent être consultés sur leur avenir commun et informés en toute transparence.
Le gouvernement Raffarin applique avec efficacité les consignes de l’OMC (Organisation Mondiale du Commerce), qui demande à ses membres de démanteler tout ce qui est considéré comme une entrave au libre commerce et en premier lieu, aujourd’hui, les services publics.
En ce moment même, des négociations capitales pour l’avenir de notre planète se déroulent à l’OMC, elles doivent être achevées le 1er janvier 2005. Elles s’inscrivent dans le cadre de l’Accord général sur le commerce des services (AGCS). Si nous ne bloquons pas ce processus, le marché étendra considérablement son emprise sur l’humanité, et il en sera fini de ce que, dans les pays européens, nous avons mis des décennies à construire.

E
xigeons du gouvernement français qu’il :
• demande aux gouvernements de l’Union européenne d’exiger auprès de l’OMC un moratoire (suspension) des négociations AGCS ;
• organise un débat parlementaire et, au-delà, un débat citoyen sur l’OMC et l’AGCS ;
• convoque une conférence internationale pour dresser contradictoirement, avec la participation de mouvements citoyens, le bilan des politiques de l’OMC depuis sa création.


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