Au-delà du GIEC : le méthane (III)

14 septembre 2019

Des bulles de méthane s’échappent du fond de l’océan.

La possibilité d’une réduction de la quantité de carbone dans notre atmosphère, absorbé par des processus biologiques, naturels ou assistés, est une lueur d’espoir. Cependant, l’incertitude liée à leur impact doit être mise en balance avec l’incertitude liée à l’impact de l’augmentation des rejets de méthane.

Ce gaz absorbe 23 à 29 fois plus de chaleur du rayonnement solaire que le CO2, mais a été ignoré par la plupart des modèles climatiques. Les auteurs du rapport de 2016 sur le budget global de méthane ont montré qu’au tout début de notre siècle, l’augmentation de la concentration de méthane n’était que de 0,5 ppb (partie par milliard) chaque année, alors qu’elle a été de 10 ppb en 2014 et 2015. Plusieurs sources sont identifiées, les combustibles fossiles, l’agriculture, la fonte du permafrost.

Il est discutable d’affirmer qu’il n’y a pas de consensus scientifique sur les sources de dégagement de méthane, ainsi que sur l’évaluation du risque et du timing de rejets massifs de méthane par le permafrost. Une tentative récente d’établir un consensus sur l’évaluation des émissions de méthane associées à la fonte du permafrost a conclu que ce rejet s’étalerait sur des siècles, et non sur la décennie actuelle.

Mais dans les trois ans qui suivirent, ce consensus a été brisé par une expérimentation très poussée, qui a montré que si le permafrost fondu restait gorgé d’eau -très probable-, il produirait des quantités de méthanes très significatives en quelques années seulement. Le débat tourne désormais autour de la question de savoir si des micro-organismes pourront se développer et consommer ce méthane assez vite pour en réduire l’impact climatique.

Le débat est encore plus vif autour du clathrate de méthane, ou hydrate de méthane, présent sur les fonds marins arctiques. En 2010, une équipe de chercheurs a publié une étude qui montrait qu’un réchauffement de l’Arctique pourrait mener à des rejets massifs de méthane qui conduiraient à un réchauffement de 5°C en quelques années, ce qui serait une catastrophe.

Cette étude a déclenché un violent débat, générant des réponses précipitées. Depuis lors, ce qui est au cœur est l’évaluation du temps qu’il faudra au réchauffement océanique pour libérer l’hydrate de méthane présent sur les fonds marins, et quelle proportion en sera consommée par les microbes aérobies et anaérobies avant qu’il n’atteigne la surface et ne s’échappe dans l’atmosphère.

Dans une étude globale sur ce sujet, des scientifiques ont conclu qu’il n’y a ni indices, ni preuves qui permettent de prédire un dégagement soudain et catastrophique de méthane dans les années à venir. Toutefois, un de leur arguments clés était qu’il n’y avait aucune donnée montrant une augmentation de la présence de méthane dans l’atmosphère arctique (manque de capteurs pour mesurer une telle information).

Un moyen d’évaluer la quantité de méthane océanique est de comparer les données terrestres avec les relevés faits en haute atmosphère, qui fournissent une approche globale. Les données publiées indiquent une concentration en méthane en altitude moyenne en mars 2018 d’environ 1865 ppb, soit une augmentation relative de 1,8 % (35 ppb) par rapport à 2017 à la même époque, alors que les mesures de surface ne montrent qu’une augmentation de 15 ppb.

Les deux mesures correspondent à une augmentation des concentrations atmosphériques potentiellement exponentielle, depuis 2007. Ce qui doit alerter est la différence entre les deux mesures. Elles sont cohérentes avec un surplus de méthane issu des océans, qui pourrait lui-même venir des hydrates de méthane.

Il est important de regarder de près les dernières données sur le méthane compte tenu du risque majeur associé. Ainsi, bien qu’une tentative récente ait été effectuée d’atteindre un consensus autour de l’hypothèse qu’un rejet massif de méthane issu de l’océan Arctique soit peu probable, cette tentative est peu concluante.

Des chercheurs travaillant sur le plateau océanique à l’est de la Sibérie ont montré que la couche de permafrost était si fine qu’elle pouvait libérer des hydrates. Si on combine cet article sur le permafrost sous-marin dans la partie arctique de l’est de la Sibérie, les températures arctiques récentes sans précédent, et les données d’une augmentation non linéaire des concentrations de méthanes dans l’atmosphère, tout cela donne l’impression que nous ne sommes certains de rien. Mais cela donne à réfléchir : l’humanité s’est placée dans une situation telle qu’elle en est à évaluer la solidité des hypothèses concernant sa propre extinction.

Bruno Bourgeon, porte-parole d’AID
D’après https://medium.com/@julien.lecaille/deep-adaptation-ladaptation-radicale-un-guide-pour-naviguer-dans-la-trag%C3%A9die-climatique-659f2e210b69

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