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par le Dr Raymond Vergès

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Au-delà du GIEC : les actions (II)

vendredi 13 septembre 2019

Les effets climatiques sont là, leurs influences vont se faire de plus en plus sentir, que ce soit sur nos écosystèmes, les terres agricoles, les océans, ou nos sociétés. Il est difficile de tout prédire.

Mais il serait dommage de ne pas le faire. Car les impacts que nous constatons correspondent aux pires des prédictions faites au début des années 1990. Les modèles actuels prédisent une augmentation du nombre et de la puissance des orages et tempêtes.

Ils prédisent une baisse de la production agricole globale, ce qui compromettra la production céréalière de masse dans l’hémisphère nord, et engendrera des perturbations ponctuelles de la production de riz sous les tropiques. Les productions chinoises de riz, de blé et de maïs pourraient baisser respectivement de 36,25 %, 18,26 % et 45,10 % d’ici la fin du siècle.

En se basant sur les prédictions de changement communément admises, des scientifiques indiens prédisent une baisse de 6 à 23 % la production de blé en Inde d’ici 2050 et de 15 à 25 % d’ici 2080. La disparition d’une partie des massifs coralliens et l’acidification des océans pourrait diriger une baisse de plus de la moitié de la productivité de la pêche.

La vitesse d’élévation du niveau de la mer pourrait devenir exponentielle, ce qui serait dramatique pour les milliards d’habitants côtiers. Dans les études environnementales, les chercheurs décrivent notre ère comme celle de la sixième extinction massive de l’histoire de la Terre, une extinction dont nous sommes la cause. La moitié des espèces animales et végétales dans les zones les plus riches en biodiversité sont en voie d’extinction.

La Banque mondiale estime que les États doivent se préparer à des migrations de populations intra-étatiques de centaines de millions d’individus, en plus des millions de réfugiés inter-étatiques. Cela a amené certains commentateurs à définir notre temps comme une nouvelle ère géologique, façonnée par l’homme, l’anthropocène. Cela en a amené d’autres à conclure que nous devons désormais réfléchir à vivre dans un monde instable et non durable.

Le consensus scientifique politiquement admissible est que nous devons contenir le réchauffement climatique à moins de 2°C pour éviter un changement climatique incontrôlable, qui entraînerait famines, épidémies, inondations, tempêtes, migrations et guerres. Ce chiffre résulte d’un accord inter-gouvernemental, les états étant soumis à de nombreuses injonctions, sur le plan national comme international, de la part de groupes de pression, notamment industriels.

Mais ce chiffre n’est pas une recommandation scientifique, étant donné que s’approcher des 2°C de réchauffement détruirait de nombreux écosystèmes, et augmenterait significativement les risques environnementaux. Le GIEC avait conclu en 2013 que nous ne pourrions pas contenir le réchauffement en-deçà de 2°C si les émissions humaines cumulées dépassaient les 800 milliards de t de carbone. Cela nous laissait environ 270 milliards de t à brûler. Actuellement, les émissions sont de 11 milliard de t de carbone/an (soit 37 milliards de t de CO2).

Ces calculs disent que nous avons au moins une décennie pour changer. Mais cela prend du temps de changer de système économique, donc si nous ne sommes pas déjà sur la voie d’une réduction drastique de nos émissions, il est improbable que nous respections la limite. Avec une augmentation des émissions de carbone de 2 % en 2017, le découplage de l’activité économique par rapport aux émissions globales de CO2 n’occasionne pas de diminution nette de ces émissions. Nous ne sommes donc pas sur une trajectoire de réduction des émissions qui permettrait d’éviter +2°C.

Cette situation amène certains experts à demander plus de travaux sur la captation du carbone. Il faudrait amplifier les technologies actuelles par un facteur de 2 millions en 2 ans, tout en les alimentant par des énergies renouvelables et en réduisant massivement les émissions, pour réduire la quantité de chaleur déjà présente dans le système.

Les approches biologiques semblent les plus prometteuses. Elles passent par la plantation d’arbres, la restauration de sols agricoles, la culture d’algues marines. Elles auraient aussi des retombées bénéfiques en termes environnementaux et sociaux. Les études sur les prairies sous-marines et les algues montrent qu’elles pourraient immédiatement capturer des millions de t de carbone, à condition de restaurer les premières et de cultiver les secondes.

L’évaluation de la quantité de carbone ainsi capturée est en cours, mais elle pourrait être significative. Les études autour de la rotation intensive des pâturages ont montré comment les pâturages sains peuvent stocker le carbone. En 2014, une étude a mesuré le gain de stockage dans une exploitation convertie à ces pratiques, et il s’élève à 8 tonnes par hectare et par an. Or, 3,5 milliards d’hectares sont consacrés aux pâturages et cultures fourragères dans le monde.

En en convertissant un dixième, et en reprenant le chiffre de 8 tonnes, nous pourrions capturer ¼ des émissions actuelles. Il est clair que la maîtrise de notre budget carbone doit s’intéresser autant à ces pratiques agricoles qu’à la réduction des émissions.

Il est nécessaire de mettre en place au plus tôt une politique massive de transformation de l’agriculture et de restauration des écosystèmes. Et défaire soixante ans d’évolution du monde agricole sera une entreprise gigantesque. Il faudra de plus que nos efforts de conservation des forêts et milieux humides réussissent après des décennies d’échecs, en dehors des parcs naturels de portée limitée.

Mais même si nous commencions maintenant, la chaleur et l’instabilité déjà introduites dans le climat causeront de nombreux dommages, et ces approches réduiront difficilement le niveau de carbone global. Nous sommes déjà allés trop loin : même si nous arrivons à capturer à grande échelle le CO2 de l’atmosphère, l’acidification des océans due à la dissolution du CO2 persistera pendant de nombreuses années, causant des dommages majeurs aux écosystèmes marins.

Et si l’homme n’a qu’une marge de manœuvre limitée pour la captation du CO2, et la nature nous aide déjà. Un «  verdissement  » global de la planète a limité l’augmentation de dioxyde de carbone de l’atmosphère depuis le début du siècle. Les plantes grandissent davantage, plus vite, du fait des niveaux de CO2 plus importants, et l’augmentation des températures a réduit le CO2 rejeté par la respiration des plantes.

La proportion du CO2 qui reste dans l’atmosphère par rapport à celle qui est émise, est tombée de 50 % à 40 % dans la dernière décennie, par ces deux effets. Ce processus est limité, car le taux de CO2 dans l’atmosphère continue d’augmenter, et a dépassé le seuil des 400 parties par millions (ppm) en 2015. Les changements observés : saisons, températures extrêmes, inondations, sécheresses dont commencent à souffrir les écosystèmes, pourraient conduire à une réduction de cet effet de verdissement.

Bruno Bourgeon, porte-parole d’AID
D’après https://medium.com/@julien.lecaille/deep-adaptation-ladaptation-radicale-un-guide-pour-naviguer-dans-la-trag%C3%A9die-climatique-659f2e210b69


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