Au-delà du GIEC : les prévisions (I)

12 septembre 2019

A force d’écouter les discours des climato-sceptiques (ou de ceux qui se nomment eux-mêmes les climato-réalistes), voici le résumé de Pascal Bourgois, expert du climat, qui a colligé les travaux récents du GIEC et d’autres climatologues éminents.

Dans cette première partie, les conclusions permettent d’établir ceci : une catastrophe environnementale globale aura lieu de notre vivant, et nous devons en étudier les impacts.

L’augmentation globale des températures est incontestable. Depuis 2001, nous avons connu 17 des 18 années les plus chaudes : les températures ont augmenté de 0,9°C depuis 1880. Le réchauffement majeur est celui de l’Arctique, où les températures en surface en 2016 ont été 2,0°C au-dessus de la moyenne 1981–2010, surpassant les mesures de 2007, 2001 et 2015 de 0,8°C, soit une augmentation de 3,5°C depuis le début des mesures.

Ces données incontestables se retrouvent dans les publications. Pour se faire une meilleure idée des implications de ce réchauffement, on a besoin de données sur la situation actuelle et sur ses tendances. Le changement climatique et ses impacts ont été significatifs au cours des années passées. Pour apprécier la situation, nous devons chercher les informations les plus récentes directement auprès des instituts de recherche, des chercheurs, et de leurs sites web, des articles de journaux académiques et des rapports produits par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Or cette institution a fait un travail utile, mais a montré une tendance à sous-estimer de manière très significative la vitesse du changement, qui avait été prédit de manière bien plus précise par des climatologues éminents dans les décennies passées. Portons attention sur les données obtenues depuis 2014. Ces données récoltées vont dans le sens de changements non linéaires. Les changements non linéaires suggèrent que les impacts seront plus rapides et plus sévères que les prédictions basées sur la linéarité, et que les changements ne seront plus seulement liés aux taux d’émission de carbone liés à l’activité humaine. En d’autres mots, ils suggèrent que nous sommes face à un changement climatique « incontrôlable ».

Le grand public a pris largement conscience du réchauffement de l’Arctique. Au tout début de 2018, on a enregistré au pôle Nord des températures 20°C supérieures à la moyenne de la même date. Le réchauffement arctique a entraîné une fonte des glaces dramatique, dont la couverture moyenne en septembre diminue de 13,2 % tous les dix ans depuis 1980 : les 2/3 de la couverture glaciaire de l’Arctique ont déjà fondu. Cette donnée est plus inquiétante avec la diminution du volume de glace océanique, indicateur de résilience de la couverture glaciaire aux réchauffements et tempêtes à venir. Il a été au plus bas en 2017, dans la continuité d’une réduction continue.

Sachant qu’une réduction de la surface de banquise entraîne une réduction du réfléchissement du rayonnement solaire (effet albedo moindre), on prédit qu’un Arctique sans glace augmenterait le réchauffement climatique de manière considérable. En 2014, des chercheurs ont calculé que ce changement était déjà responsable d’un réchauffement équivalent à 25 % de celui provoqué par les émissions de CO2 des 30 dernières années. Cela signifie que si nous pouvions enlever 25 % des émissions de CO2 des 30 dernières années, le gain serait anéanti par la perte du pouvoir réfléchissant de la glace polaire. Un des plus éminents climatologues au monde, Peter Wadhams, pense que nous aurons un pôle Nord sans glace prochainement, ce qui augmentera de 50 % le réchauffement induit par le CO2 issu de l’activité humaine.

Cet effet suffit à lui seul à invalider tous les calculs du GIEC, et tous les objectifs et toutes les propositions de la Convention-Cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC).

Entre 2002 et 2016, le Groenland a perdu 280 milliards de tonnes de glace par an, et les zones de basse altitudes et côtières ont perdu 4 mètres de glace sur 14 ans. Conjugué à d’autres fontes continentales, et à la dilatation de l’eau, cela a mené à une hausse moyenne du niveau des mers de 3,2 mm/an, soit une augmentation totale de plus de 80 mm depuis 1993. Mais travailler en moyenne annuelle, cela revient à faire des augmentations linéaires, ce qui a été l’hypothèse du GIEC. Or les données récentes montrent que la tendance est non-linéaire : la hausse du niveau des mers est liée à l’augmentation non linéaire de la fonte des glaces continentales.

Les observations des températures et du niveau des mers se révèlent être supérieures à ce qui avait été prédit, en cohérence avec des changements non linéaires de notre environnement, qui vont déclencher des effets incontrôlables sur l’agriculture et l’habitat humain, avec des conséquences sur nos sociétés, nos systèmes économiques et politiques.

Nous voyons déjà l’impact de ce réchauffement sur la fréquence et la violence des tempêtes, sécheresses et inondations, conséquences de la plus grande énergie présente dans l’atmosphère. Nous sommes témoins d’impacts négatifs sur l’agriculture. Le changement climatique a réduit l’augmentation de la productivité agricole d’1 à 2 % par décade sur le dernier siècle. L’ONU pour l’alimentation et l’agriculture, plus connue sous l’acronyme FAO (Food and Agriculture Organisation) chiffre à plusieurs milliards de dollars par an le coût des événements météorologiques liés au changement climatique, coût en augmentation exponentielle. Et les effets sur la nutrition sont déterminants. Nous observons aussi l’impact sur les écosystèmes marins. La moitié des récifs de corail sont morts dans les 30 dernières années, par la température des eaux et l’acidification océanique liée au CO2. Entre 2006 et 2016, l’océan Atlantique a absorbé 50% de CO2 de plus qu’au cours des 10 ans précédents, ce qui a accéléré significativement son acidification. L’acidification océanique déstabilise toute la chaîne alimentaire marine, et menace la capacité de reproduction de toutes les espèces de poisson à travers le globe. Pendant ce temps, le réchauffement des océans a déjà réduit la population de certaines espèces. Ajoutons à ces menaces sur l’alimentation humaine l’augmentation exponentielle du nombre des moustiques, des virus et des maladies vectorielles, à mesure que les températures deviennent plus favorables aux insectes transmetteurs. Pas de quoi se réjouir sur la population mondiale.

Bruno Bourgeon, porte-parole d’AID
D’après https://medium.com/@julien.lecaille/deep-adaptation-ladaptation-radicale-un-guide-pour-naviguer-dans-la-trag%C3%A9die-climatique-659f2e210b69

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