Au risque de condamner les Réunionnais à l’errance

15 avril 2003

Sur les hauteurs de la côte d’Azur en France, un charmant village porte le succulent nom de Cabris. Au bord des routes étroites et sinueuses, son boulodrome, la senteur de ses fleurs, l’accent de ses habitants. Tout cela laisse un souvenir ineffaçable.
Sur la place du village, au long de cette route, avec sa voie cyclable généreuse, où les peupliers vous rappellent que c’est l’été, un charmant bistrot propose de cuisses de grenouilles à la sauce chinoise.
A-t-on envie de se demander si les habitants de Cabris sont des caprins ? S’ils portent des cornes sur leur tête ? S’il peut y avoir du cotomili, du vindion, du cumin… pour faire un bon massalé ?
Non.
On apprécie seulement l’accueil d’un jeune à vélo vous invitant au cirque nouvellement installé pour y voir des numéros extraordinaires. On aime l’hospitalité des habitants, leurs belles maisons, la vue panoramique sur les rivages de la Méditerranée et l’on savoure les cuisses de grenouilles à la chinoise.
Si vous allez à la Plaine des Cafres, vous ne trouverez peut-être pas de cuisses de grenouilles à la chinoise, mais goûterez certainement les mêmes sensations : des routes sinueuses, un boulodrome, la senteur des fleurs, l’accent des habitants… et beaucoup d’autres choses encore, bien plus fortes qu’une gerbe de notre volcan.
Alors pourquoi amputer l’identité d’un lieu à coups de bistouris politiciens ?
Pourquoi vouloir "scapéliser" au mépris de la géographie une partie de notre Histoire sous le prétexte d’un je-ne-sais-quel mercantilisme touristique ?
Nombreuses sont les voix qui ont émis les plus vives protestations à l’encontre de ce projet de "débaptiser" un haut lieu de notre Histoire. La lecture ou la relecture de l’œuvre d’Eugène Dayot "Bourbon Pittoresque" permettrait de comprendre que le révisionnisme ne pourra que desservir la recherche de l’enracinement d’un peuple dans son Histoire, ses croyances, sa culture.
Élie Wiesel disait que « celui qui oublie son passé se condamne à le revivre ».
Marc Bloch renréchit en affirmant que « l’incompréhension du présent naît fatalement de l’ignorance du passé ».
Ainsi, au lieu de consolider le socle historique et culturel réunionnais, récent et fragile, cet acte de "débaptême" cautionnerait le discours de ceux qui le nient au risque de condamner les Réunionnais à l’errance.
La Ligue Réunion - FOL, mouvement d’éducation populaire, porteuse des valeurs de laïcité, de citoyenneté et luttant contre toutes les formes d’exclusion, se joint à toutes celles et ceux qui refusent cette négation d’une part de notre Histoire.


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