’C’était hier’ : les oublis qui blessent

27 janvier 2009, par Alain Dreneau

Le premier volet de la série dominicale du “JIR” “C’était hier”, présentée par Daniel Vaxelaire, retiendra l’attention des lectrices et lecteurs curieux du passé de leur île et heureux de ce travail sur la mémoire “matrimoine” de La Réunion. L’appel lancé pour que les Réunionnais participent activement à la constitution d’un fonds documentaire de leur mémoire historique est une excellente chose, qui ouvre un champ à de multiples échanges enrichissants. Il convient de souhaiter bon vent à cette saga du souvenir, dont la qualité s’annonce à la hauteur de l’entreprise.

La série a donc débuté sur le thème de “l’insularité oubliée”. « D’abord, il fallait venir », lit-on en ouverture. La Réunion, effectivement, était une île inhabitée. « La Réunion n’a été connectée au reste du monde que par de longues et éprouvantes maritimes ». Et Vaxelaire nous rappelle que ce « long chemin qui mène d’ailleurs à ici » était un « chemin semé d’écueils, de tempêtes et d’aventures ».

A lire ces lignes, des images ont certainement surgi en force dans l’esprit de bon nombre de personnes, comme j’ai pu l’observer dans mon entourage. Celles d’autres chemins semés d’écueils, celles des bateaux de la traite négrière, celles des conditions inhumaines des traversées amenant à fond de cales les ancêtres des Réunionnais d’aujourd’hui. Certes, tout ce pan de notre histoire à tous n’a pas laissé les traces photographiques qui ont pu être collectionnées par la suite.

On peut donc concevoir le “point de vue” adopté, mais il n’empêche que, remontant aux origines de La Réunion (« depuis que La Réunion est connue (un peu après 1500) jusqu’au milieu du XIXème siècle »), le travail de mémoire qui nous est présenté laisse comme un grand “creux” par le fait même qu’il ne fait aucunement mention de ce peuplement de notre île engendré par des « voyages » contemporains de ceux dont il est exclusivement question dans ces pages (il n’y avait, y lit-on, « qu’un seul chemin : celui qui part des ports français de l’Atlantique (Lorient, Brest, Nantes, Bordeaux...) et qui contourne l’Afrique »...).

Un “encadré”, même modeste, aurait pu combler ce silence béant. Il aurait sans doute permis d’envoyer une pensée vers ce passé, permis de mettre chaque chose à sa place, permis d’embrasser tous les horizons de la mémoire réunionnaise, qui ne demandent qu’à se rejoindre, au-delà des non-dits et des tabous, pour construire le “mental réunionnais” d’aujourd’hui.

Le travail de mémoire, cet exemple le montre une fois de plus, ne peut être réellement désaliénant que s’il touche au plus profond de la sensibilité et de la réflexion de l’ensemble des Réunionnais. Une raison de plus d’appeler de nos vœux - contre les vents et marées de certains quolibets - la naissance d’une Maison des Civilisations et de l’Unité Réunionnaise qui embarquera tous les Réunionnais dans le passionnant voyage d’une mémoire rassembleuse.

Alain Dreneau


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