’Ce n’est pas que je suis si intelligent...’

19 août 2006

La phrase est d’Albert Einstein : "Ce n’est pas que je suis si intelligent, c’est que je reste plus longtemps avec les problèmes". Elle nous fait penser à cette autre d’Alain : "Peut-être pourrait-on dire que la plus rare qualité de l’esprit, c’est l’aptitude à réfléchir attentivement à quelque question difficile, et qui résiste pendant des années."
S’il est un point sur lequel le savant et le philosophe se rejoignent, c’est pour reconnaître dans l’exercice de l’intelligence, cette part d’effort, de travail, qu’on ne voit pas toujours du premier coup. L’intelligence, ce ne serait donc pas, comme on l’affirme, et comme on le croit trop souvent, une sorte de don que certains seulement auraient à la naissance ; ni même ce "mécanisme plus ou moins délicat", dont le fonctionnement serait programmé longtemps à l’avance.
D’où la colère d’Alain contre ceux qui font un usage inapproprié de ce mot : "Il y a longtemps que je suis las d’entendre dire que l’un est intelligent et l’autre non. Je suis effrayé, comme de la pire sottise, de cette légèreté à juger les esprits. Quel est l’homme, aussi médiocre qu’on le juge, qui ne se rendra maître de la géométrie, s’il va par ordre et s’il ne se rebute point ? De la géométrie aux plus hautes recherches et aux plus ardues, le passage est le même que de l’imagination errante à la géométrie ; les difficultés sont les mêmes ; insurmontables pour l’impatient, nulles pour qui a patience et n’en considère qu’une à la fois. De l’invention en ces sciences, et de ce qu’on nomme le génie, il me suffit de dire qu’on n’en voit les effets qu’après de longs travaux ; et si un homme n’a rien inventé, je ne puis donc savoir qu’il ne l’a pas voulu.."
Voilà qui vient remettre les choses à leur place et faire justice de tous ces gens qui ne ratent pas une occasion pour pousser en avant les "enfants prodiges", comme on disait alors, ou les "surdoués", comme on les qualifie aujourd’hui, dans le dessein, conscient ou non, de bien marquer la différence avec les autres et, du même mouvement de faire ressortir ce qu’ils croient être leur propre supériorité. Tout le contraire de ce que proclame le Fils de l’homme quand il s’écrie "Je remercie mon père d’avoir révélé la vérité aux petits, aux humbles et de l’avoir caché aux puissants, aux calculateurs, aux riches."

Georges Benne


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