Chronique d’un désastre annoncé

24 septembre 2005

Les images insoutenables que nous livre chaque jour à domicile la télévision ont de quoi nous faire perdre le moral et nous plonger dans un profond pessimisme. D’où le réflexe et la tentation de ne pas ouvrir notre poste à l’heure des informations ou de nous détourner systématiquement des scènes les plus pénibles qui viendraient troubler notre tranquillité.
Mais la plus grande erreur serait de croire que la situation tragique dans laquelle se débat notre monde est purement accidentelle et qu’elle est le fruit du hasard. La cause profonde, chacun la pressent mieux aujourd’hui, c’est la recherche effrénée du profit identiquement l’accumulation du capital par une minorité au détriment de l’immense majorité, comme nous le démontre clairement chaque année le rapport publié sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies, censé évaluer les progrès accomplis en matière de développement dans chaque pays et qui ne manque pas de pointer du doigt les responsables. Déjà, il y a une quinzaine d’années, il faisait ressortir que la tranche des 20% de la population la plus riche se partageait à elle seule 87% du revenu mondial. Et le dernier rapport en date, présenté ce mercredi 7 septembre à Vienne et à New York, vient confirmer l’échec patent des objectifs du Millénaire, ceux qui avaient été fixés en septembre 2000, à savoir : la lutte contre la pauvreté, la faim, la maladie, l’analphabétisme...
Il dévoile au grand jour les mécanismes implacables qui fonctionnent au sein des échanges commerciaux : "Les barrières commerciales auxquelles sont confrontés les pays en développement exportant vers les pays riches sont, en moyenne, trois fois plus élevées que celles qui frappent les échanges entre pays riches". Dans ces conditions, inutile de parler de rattrapage : les pays riches, faisant passer en avant logiquement leurs propres intérêts, freinent ou empêchent du même mouvement le développement des pays pauvres. D’où ce jugement, d’autant plus sévère qu’il vient de l’Organisation des Nations Unies elle-même : "Cette taxation perverse et ces politiques commerciales inéquitables continuent d’empêcher des millions d’habitants dans les pays les plus pauvres du monde de sortir de la pauvreté, maintenant des inégalités obscènes." C’est la condamnation sans appel de l’économie dite ultra-libérale et du libre-échange : "Derrière la rhétorique du marché libre... se cache la dure réalité", y est-il écrit en toutes lettres. Et de citer à l’appui, l’exemple des subventions que les pays riches versent à leur agriculture, qui leur permettent de "garder un quasi monopole sur le marché mondial des exportations agricoles" et qui font perdre "environ 19,7 milliards d’euros par an... aux pays en développement".
Il n’y aurait donc plus rien à faire, qu’à baisser les bras et se laisser aller au désespoir. Mais si maintenant nous savons tous que c’est fatal, que notre monde va tout droit dans le mur, il devient de salut public de nous dire que le dernier mot ne peut être fatal. Car seule une prise de conscience générale, accompagnée d’un sursaut de même ampleur et surtout d’une décision d’humanité, pourront sauver in extremis notre monde du chaos programmé.

Georges Benne


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