Contraints d’être et d’avoir, nous serions en devenir

28 décembre 2017, par Frédéric Paulus

« Je n’ai pas demandé à venir au monde » déclarent fort justement certains adolescents. Si nous devions interpréter cette invective comme une critique existentielle (à ne pas banaliser), celle-ci induirait peut-être qu’ils nous disent n’être pas responsables du monde dans lequel ils ont pris naissance. De nombreuses influences les auront structurés, pour le meilleur et qui sait pour le pire, sans qu’ils en soient conscients. Une des périodes de la vie particulièrement vulnérable est la période fœtale jusqu’à la naissance de l’enfant. Elle devrait apparaître en effet comme essentielle compte-tenu des connaissances scientifiques dont nous disposons actuellement.

Or, de nombreuses affirmations pour définir cette vie s’avèrent de nos jours autant d’obstacles à une libération de l’imaginaire pour de jeunes chercheurs dans leur quête de découvertes. Parmi elles, citons pour commencer celle du biologiste Ernst Haeckel (1834-1919) qui veut que l’ontogénie d’un organisme passe par des stades représentant les espèces ancestrales de celui-ci. Haeckel a résumé la théorie dite de « la récapitulation » par la phrase selon laquelle « l’ontogenèse récapitule la phylogenèse ». De son temps embryologie et biologie étaient dissociées, ce n’est plus le cas de nos jours. Un jeune chercheur qui chercherait à se frayer un chemin entre certitudes, croyances ou approximations, vu la complexité de la tâche, devrait tout de même adopter le principe de remettre en cause le savoir établi. C’est ce qu’auront entrepris Jean-Jacques Kupiec (embryologiste) et Pierre Sonigo (généticien) avec leur ouvrage « Ni Dieu ni gène », (2000). Sur ce sujet, ils citent l’avis de Theodosius Dobzhansky (1970) qui avance nombre d’exemples de variations phénotypiques. En laissant de côté le sujet de la récapitulation, nos deux auteurs français mettent l’accent sur une variabilité phénotypique qui devrait incomber à la période de gestation et ne pas s’arrêter à la naissance. Et déductivement ils relèvent le principe de variations qui seraient à ranger du côté des influences épigénétiques lors de l’embryogénèse. En d’autres termes ce que nous sommes physiquement serait une forme parmi beaucoup d’autres. Mais devons-nous dissocier le physique du mental ou du psychique ?

En termes accessibles, à la naissance l’individu vivant serait un être hybride bio-culturel ! Alors que devient le code génétique initial, si celui-ci demeure toujours aux commandes ? Nous savons que le code génétique dont Henri Atlan, par exemple, dit qu’il aura été qualifié à tort de « programme » génétique, subit actuellement les assauts des épigénéticiens, certainement une bonne chose. Nous postulerons dans cette période de reconsidérations que ce code resterait à notre insu aux commandes, car selon nos déductions cliniques (sans pouvoir le prouver donc !) il contribuerait à nous individuer, c’est-à-dire à nous libérer en quelque sorte des empreintes épigénétiques qui nous auraient structurés pour le « pire », entendre « anti-physiologiquement ». Cette déduction, si elle devait être scientifiquement recevable, fonderait le socle naturaliste manquant à la psychologie des profondeurs du psychanalyste Carl Gustav Jung. Concernant le processus d’individuation elle rejoindrait ainsi l’hypothèse de l’autopoièse de Francisco Varela et Humberto Maturana, à laquelle nous rajouterions l’attribut de psychique.

En termes simples, nous aspirerions à notre insu à devenir nous-mêmes, à condition de ne pas fonder trop d’espoir dans des valeurs extérieurs à la vie elle-même.

Frédéric Paulus, Cévoi


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