Contre la nostalgie de l’esclavage

4 février 2006

En décidant de fixer au 10 mai le jour du souvenir de l’esclavage pour ses compatriotes de l’Hexagone, de la France dite métropolitaine, le président de la République française n’a-t-il pas pris son ministre de l’Intérieur à rebrousse poil, pour la deuxième fois en une semaine, après l’annonce de la suppression prochaine de l’article 4 de la loi du 23 février 2005 sur "le rôle positif" de la colonisation française ? Laquelle loi, il ne faut pas l’oublier, avait été votée par sa propre majorité, avec apparemment son plein accord, puisqu’elle avait été promulguée par lui, mais elle avait provoqué aussitôt les plus vives protestations dans les Départements d’outre-mer.
Le plus étonnant aujourd’hui, ce sont les paroles du président Chirac dans son discours au Comité pour la mémoire de l’esclavage présidé par Maryse Condé, qu’il a reçu le lundi 30 janvier à l’Élysée. Tant il est vrai qu’il a retrouvé tout d’un coup ses meilleurs accents, ceux qu’il avait eus par exemple en 1995 lorsqu’il avait condamné au nom de la France, l’État français de Vichy. "Je souhaite que, dès cette année, la France métropolitaine honore le souvenir des esclaves et commémore l’abolition de l’esclavage", a-t-il déclaré, en affirmant que "depuis l’origine, la République est incompatible avec l’esclavage", et en dénonçant ses "résurgences", comme il les appelle, "dans le contexte de la compétition économique mondiale".
Nous le voyons chaque jour davantage, dans tout rapport de supérieur à inférieur, il y a une nostalgie de l’esclavage. C’est-à-dire de l’éternelle situation dans laquelle l’un ou les uns ont tous les droits, les autres aucun. C’est ce regret qui n’existe plus dans l’idée qu’on se fait d’un Dieu-Jupiter dominant sa création réduite à l’état de créatures ; ce Dieu qui apparaît comme la caution souveraine, la légitimation absolue de toutes les formes d’esclavage, même camouflées en colonisation. Pire encore que la transcendance, c’est la divine transcendalisation du pouvoir dans ce qu’il a de plus pervers et de plus nocif.

Georges Benne et
Jean Cardonnel


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Messages

  • L’être humain est capable du pire (comme du meilleur). La tentative de soumettre l’autre à ses propres désirs pour son propre intérêt peut se manifester n’importe où dans le monde (voir aujourd’hui le Qatar qui pratique l’esclavage). Il faut toujours rester vigilants et être prêts à dénoncer toute nouvelle dérive et à la combattre !


Témoignages - 80e année


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