Courrier des lecteurs du 13 avril 2001

13 avril 2004


Vendredi saint

C’était en 1966. L’année d’avant, j’étais arrivé à “Témoignages”, quotidien du Parti communiste réunionnais, portant - comme il se doit - faucille et marteau. Comme d’autres d’ailleurs portaient croix, gardant à la main le goupillon, toujours prêt à servir.
C’était donc mon premier vendredi saint à “Témoignages” et il y en eut ainsi près d’une vingtaine.
Bien évidemment, vendredi saint ou pas, on faisait le journal. Comme tous les autres jours. Sauf que sous le coup de deux heures ce jour-là le travail s’arrêtait. Typotes, linotypistes, machinistes et autres chargés de la confection du journal, aux mains toutes noircies par l’encre, le plomb et le cambouis, tombaient leurs tenues de travail maculées puis se débarbouillaient et se lavaient au savon pâte, et enfin se donnaient un petit coup de peigne : il fallait être propres et présentables pour avant trois heures.
Ceci fait, tout le monde attendait - certains se recueillant à l’heure venue -, pour reprendre le travail aux alentours de trois heures et demie afin de terminer le journal en vitesse et pouvoir, sous le coup de six heures, aller à l’adoration à l’église de l’Assomption.
Tout le monde, certes, n’y allait pas mais ceux qui voulaient y allaient. C’était le seul jour de l’année où l’on était assuré de terminer le journal avant six heures ! Le tirage quant à lui démarrait plus tard, au retour des machinistes de l’église. "Cela a toujours été comme ça, me disaient les typotes ; du temps de Henri Lapierre, du Dr Raymond Vergès...".

Une vingtaine d’années plus tard, je suis arrivé à la CGTR, syndicat réputé communiste, et donc suppôt de Satan. Et Dieu seul sait si à cette époque, bénie entre toutes, à la CGTR - comme à “Témoignages” d’ailleurs -, nous avions droit à toutes les excommunications possible et imaginables. Et là encore, le vendredi saint tout le monde s’arrêtait de travailler à midi, pour revenir le samedi matin.
Même le secrétaire général de l’époque, pourtant communiste, fermait le siège de la Cour Basile et s’en allait travailler chez lui ou faire autre chose. Plus tard, pendant toute la période où j’ai assumé le secrétariat général de la CGTR, cet usage a été respecté. Il l’est toujours.
D’ailleurs aucune réunion - politique ou syndicale - n’était tenue un vendredi saint ; en revanche, on en tenait le lundi de Pâques, un usage perdu depuis longtemps.

Voilà en tout cas ce qui se passait chez les communistes - présentés aujourd’hui comme des dinosaures par certains - ou à la CGTR. Il n’y avait pas sur cette question de débat, mais simplement le respect. Le respect des usages et de la tradition. Le respect de l’autre.
C’est vrai qu’il n’y avait pas non plus de loi nouvelle sur la laïcité : nous n’en avions pas besoin. Personne d’ailleurs n’allait consulter le “J. O.” pour libérer le personnel l’après-midi du vendredi saint ; que ce soit dans des administrations, dans les commerces, sur les chantiers, dans les usines... On le faisait. C’était un usage. Même pas un droit à congé. Pas plus que ne l’étaient d’ailleurs les absences pour d’autres fêtes ou cérémonies d’autres religions.
J’ajouterai que j’appartiens à cette génération de Réunionnais à qui, tout jeune, on interdisait de creuser un trou dans la terre le vendredi saint - même pas pou jouer cannette, ce qui était un sacrifice ! - ou d’enfoncer un clou. Je n’en suis pas mort, je n’en ai pas hérité - du moins je le crois - une quelconque tare.

Alors aujourd’hui, quand cette question fait débat et suscite même polémique - notamment à l’Éducation nationale -, certains fourbissant déjà leurs armes pour... l’année prochaine, cela me grattouille. Et c’est peu dire.
Tout cela parce qu’il y a une loi nouvelle qu’on nous demande, qu’on nous contraint d’appliquer. Comme de porter une chaussure trop grande ou trop petite pour notre pied qu’il faut alors retailler, tordre et redresser en même temps pour qu’il s’y adapte.
Et là, les retailleurs ne manquent pas : légistes, pharisiens, gardiens du temple, grands prêtres et autres ayatollah d’une laïcité normative et étriquée s’agitent et veulent nous opérer pour nous ajuster.

Sauf à nous prendre pour des demeurés, si l’on commençait tout simplement par nous respecter et respecter nos usages - surtout lorsqu’ils ne portent préjudice à personne -, est-ce que cela ne serait pas déjà un peu de laïcité ?
À moins que l’on veuille nous couler dans un seul et unique moule : bien alignés, une seule tête bien au carrée et le petit doigt sur la couture d’une laïcité par une loi ramenée à une simple question de signe plus ou moins ostensible ou ostentatoire ; une laïcité somme toute taillée à la mesure d’un foulard pour le besoin de l’agiter et d’exorciser ses propres peurs.
Il fut une époque où l’on baptisait l’esclave marron après l’avoir assassiné, pour qu’au moins son âme soit sauve. Là, on “laïciserait” avant... pour nous faire prendre conscience !
Une chose est sûre : le respect ne se fait pas à sens unique. Si l’on veut être respecté soi même, il faut d’abord savoir respecter l’autre. Il conviendrait peut-être d’y penser plus d’une fois avant de jouer aux apprentis-sorciers. Sur cette question comme sur d’autres d’ailleurs.

Georges-Marie Lépinay


Propositions à la présidente du Conseil général

Madame la Présidente, nous vous présentons nos plus vives félicitations car, pour la première fois, les conseillers généraux ont élu une femme à la tête de l’exécutif. Nous ne sommes pas les seuls à souligner ce fait historique et symbolique.
Cependant, nous regrettons la faible représentativité des femmes dans cette assemblée (seules quatre élues sur 49), alors qu’elles constituent 50% de la population réunionnaise. Contrairement à d’autres scrutins où la mixité est imposée par voie législative, nous espérons que les partis politiques feront les efforts nécessaires pour qu’aux prochaines élections cantonales, cela devienne réalité.
Nous regrettons aussi que la majorité des élus soient principalement issue de l’Éducation nationale et du secteur médical. Une plus grande diversité socio-professionnelle permettrait une meilleure représentativité de la société réunionnaise et la démocratie y gagnerait.
En ce qui concerne l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, nous connaissons votre engagement au sein de l’Association Femmes Actuelles de La Réunion, et nous souhaiterions qu’au sein du Conseil général, où les femmes représentent 60% du personnel, il y ait une étude pour constater les inégalités qui se retrouvent dans les catégories A, B C, et y remédier par des actions volontaristes.

La santé au travail est aussi une préoccupation de notre organisation. Nous avons constaté que les agents féminins souffrent du dos et du stress. Nous souhaiterions que des études soient effectuées pour apprécier la situation de ce personnel et que des actions de prévention et de reclassement soient envisagées. Cet état est d’autant plus important que plus de 10% des agents se retrouvent en congé de longue maladie.
L’articulation entre la vie professionnelle et familiale est loin d’être évidente. Vous avez souligné, lors de votre discours, l’effort qui doit être fait sur les modes de garde. Nous vous proposons que de tels projets soient réfléchis au sein de la collectivité. Nous pourrions envisager l’attribution de quotas de places dans les crèches ou dans les jardins d’enfants, ou encore la création d’une structure à cette fin.
La mixité des équipes médico-sociales et techniques nous semble aussi nécessaire. Plus d’agents masculins dans les équipes qui interviennent au plus près du terrain, auprès des familles, permettrait une participation plus active des pères, trop souvent absents. En revanche, dans la filière technique, la présence de cadres féminins est un atout pour féminiser ces emplois dans les services (par exemple, l’unité d’entretien des bâtiments).
Enfin, l’accès à certains postes de direction reste le domaine réservé des hommes. L’instauration d’un quota réduira cette inégalité.

À propos des missions obligatoires du Département - l’enfance, les personnes âgées et handicapées -, les équipes médico-sociales ont besoin davantage de moyens, tant financiers et humains que logistiques. La clarification, la réduction et la simplification des procédures administratives sont aussi, de notre point de vue, des moyens pour améliorer l’efficacité et l’efficience de l’action médico-sociale. La réorganisation proposée par vos services ne semble pas à la hauteur des enjeux. La restriction des moyens, les indicateurs de précarité dans certaines directions n’améliorent pas le service public. Le Département doit se recentrer sur ses missions premières. En ce sens, l’aide aux communes ne doit pas se faire au détriment de la population réunionnaise.
Enfin, l’externalisation des missions de service public vers les associations se révèle souvent plus onéreuse que si elles étaient exercées en interne. Cependant, concernant les associations qui existent et qui œuvrent en faveur de l’enfance difficile, des personnes âgées et handicapées, il vous appartient d’assurer avec rigueur la tutelle, d’imposer un véritable cahier des charges et de discuter des réajustements en cas de dérives, pour que les aides allouées soient affectées en priorité à la population et non aux dépenses somptuaires.
À l’avenir, nous espérons que le Département, par une attitude plus responsable, enrayera la politique de casse sociale (ORPH, Saint-Jean de Dieu...).

Nous avons aussi entendu votre volonté de résoudre les difficultés de couverture de mutuelle de certaines catégories de la population. Par le biais de la CGSS, notre organisation a déjà sollicité le Conseil général et le Conseil régional pour un règlement définitif de cette question. Nous espérons que votre action aboutira.
D’autres dossiers nous tiennent à cœur, tels le respect du paritarisme, le dialogue social, la promotion et la formation des agents de la catégorie C (majoritaires au Département), la restauration du personnel.
Nous nous tenons à votre disposition pour des réunions de travail et nous vous souhaitons bon courage.

Pour le secrétariat à la mixité de l’UIR-CFDT
et pour le Bureau de la section CFDT du Conseil général,
Marlène Rodier


La CFE-CGC fait suspendre les négociations sur les restructurations

Lors de la séance du 8 avril, la CFE-CGC a déploré, qu’une fois de plus, le MEDEF n’ait pas fait figurer dans son projet le caractère normatif de l’accord en négociation.
En effet, une partie de cet accord doit être reprise dans une loi. Mais nous avons eu l’expérience, avec l’ancien Ministère, de textes législatifs dénaturant les accords conclus par les partenaires sociaux pour s’aligner systématiquement sur les prétentions que le MEDEF n’avait pas pu faire passer dans la négociation.
De surcroît, toute une autre partie d’un éventuel accord (anticipations, reclassements, territorialité...) pourra être déclinée au travers d’accords de branches ou d’entreprises.
Dans ces conditions, en l’absence d’aspect normatif de l’accord interprofessionnel, les accords de branches ou d’entreprises pourront être socialement inférieurs et ceci sous pression ou chantage à l’emploi exercé par certaines directions d’entreprises.
En conséquence, la CFE-CGC a décidé de suspendre sa participation à la table des négociations jusqu’à ce que le MEDEF reconnaisse la nécessité d’inscrire dans l’accord cet aspect normatif.

La CFE-CGC


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