Danser quand on est triste

10 décembre 2013

En Afrique du Sud, on danse quand on est gai, on danse quand on est triste. Les Sud-Africains sont immensément tristes et pourtant ils dansent.

Pendant le régime de l’apartheid, ils dansaient aussi en défilant et nous avons encore en mémoire l’image de milliers de personnes dansant dans la rue en réclamant « un homme, une voix » ou en enterrant leurs morts assassinés par les racistes.

A La Réunion, nous avons essayé de manifester notre solidarité en dénonçant publiquement cet odieux régime. Il faut bien le dire, à part les militants et militantes du PCR et de l’UFR, quel est le parti qui s’est montré actif pendant les années de prison de Nelson Mandela, après le massacre de Shapeville en 1976 et après les pendaisons de jeunes militants de l’ANC dans les années 80 ? En 1978, une responsable du tourisme sud-africain était invitée à la MJC de Saint-Pierre.

Nous étions scandalisés et nous sommes descendus, quelques militants PCR et UFR du Tampon, rejoints par d’autres sudistes, pour manifester notre indignation.

Après avoir écouté quelques instants la publicité pour visiter le pays, nous avons crié : « Racistes dehors, racistes assassins... » , interrompant le beau discours au grand dam du directeur qui ne comprenait pas notre intervention...

En 1980, pour honorer la Journée de la Femme sud-africaine ayant lieu le 8 août, nous avons décidé de nous rendre devant la maison louée par Mr Virapoullé au Consulat sud-africain, en dessous de Bellepierre. Dans la plus grande discrétion, nous avions préparé tracts et pancartes en carton. Du Tampon, nous étions une dizaine, et avec les autres participants, nous nous sommes installés devant l’immeuble, à la grande surprise des occupants. Slogans criés, pancartes brandies, tracts distribués aux passants. Les gendarmes sont arrivés une bonne demie heure plus tard. Nous avions fait entendre notre voix contre l’apartheid.

Quand le Consulat a changé d’adresse et s’est établi rue de la Compagnie, nous avons perpétué la tradition de cette journée symbolique du 8 août. Nous partions en car du Tampon, rejoignions les militants des autres régions et défilions pour arriver devant le Consulat bien gardé par des policiers. Nous avons aussi défilé au Port une autre année en insistant sur le boycott des produits sud-africains. N’achetons pas des oranges Outspan, ni des biscuits de la marque Baker. Nous suivions en cela les mots d’ordre de boycott existant dans d’autres pays.

En février 1990, nous étions nous aussi les Tamponnais dans la manif devant le Jardin de l’État pour fêter la libération de Nelson Mandela. Nous brandissions des drapeaux aux couleurs de l’ANC confectionnés hâtivement. La joie était dans nos cœurs. Maintenant, la tristesse est dans nos cœurs, nous savons quelle perte immense représente la disparition de Nelson Mandela, le père de la Nation sud-africaine.

Une chose est sûre, nous ne versons pas des larmes de circonstance, notre engagement, certes modeste, a été sincère et authentique.

Marie-Hélène Berne

Nelson Mandela

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