De la philosophie... aux philosophes

7 septembre 2006

Si l’on me demandait ce qu’est pour moi la philosophie, je répondrais volontiers par cette phrase tout simple qui n’est pas de moi et qui, à mes yeux, résume tout : "Le plus difficile au monde est de dire en y pensant ce que tout le monde dit sans y penser".
Mais il y aura toujours quelqu’un pour prétendre que la philosophie est une affaire beaucoup plus compliquée, une science éminemment abstraite, réservée seulement à quelques initiés qu’on appelle justement les philosophes.
La formule est d’Alain, considéré par la plupart comme un philosophe, alors que pour moi, il est aussi un poète. Car dans toute son œuvre, il fait sauter la barrière entre deux genres depuis longtemps solidement établis.
À ce titre, comment ne pas reprendre ce texte admirable, extrait d’un discours de distribution des Prix prononcé en 1904 alors qu’il était jeune professeur, et dans lequel déjà il met en garde contre une certaine manière de penser qui est celle des philosophes trop enclins à se laisser enfermer dans les systèmes ?
"Les hommes qui veulent sincèrement penser ressemblent souvent au ver à soie qui accroche son fil à toutes choses autour de lui et ne s’aperçoit pas que cette toile brillante devient bientôt solide, et sèche, et opaque, qu’elle voile les choses et que, bientôt, elle les cache ; que cette sécrétion pleine de riche lumière fait pourtant la nuit et la prison autour de lui ; qu’il tisse en fils d’or son propre tombeau, et qu’il n’a plus qu’à mourir, chrysalide inerte, amusement et parure pour d’autres, inutile à lui-même.
Ainsi, les hommes qui pensent s’endorment souvent dans leurs systèmes nécropoles ; ainsi dorment-ils, séparés du monde et des hommes ; ainsi dorment-ils pendant que d’autres déroulent leurs fil d’or, pour s’en parer".

Georges Benne


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