Du jamais vu à La Réunion

Tout d’abord, il est évident que des Réunionnais - en particulier ceux des classes populaires - n’ont pas attendu "Témoignages" pour utiliser le vélo comme moyen de déplacement ou de loisir. Et on ne rendra jamais assez hommage à ces personnes qui ont maintenu vivace cette tradition, malgré le danger croissant qu’elles courent sur nos routes livrées au tout-automobile.
Ceci dit, il est clair que "Témoignages" se doit de faire connaître et de soutenir le mouvement inédit qui se dessine depuis quelques semaines dans le pays. Ce mouvement - né dans plusieurs collectivités et services publics il y a quelque temps déjà - a été "boosté" le dimanche 30 mars dernier, lorsque plusieurs centaines de cyclistes réunionnais ont exprimé leur solidarité avec deux des leurs qui venaient de perdre la vie dans des accidents routiers. Du jamais vu à La Réunion. À cette occasion, ils ont souhaité que les aménagements routiers dans notre île soient davantage sécurisés pour permettre la pratique du vélo.
Ce message était clairement perçu par le président du Conseil régional et par d’autres personnes. Tellement bien perçu que moins d’une semaine plus tard, le samedi 5 avril 2003, les trois partenaires de la politique du vélo à La Réunion se retrouvaient à la pyramide inversée pour une réunion de concertation sur ce problème. Élus des différentes collectivités locales de différentes opinions politiques, représentants de l’État et diverses associations du monde cycliste débattaient pendant une matinée et se mettaient d’accord sur quelques pistes de solutions.
En particulier, il était décidé de constituer un comité de concertation permanente entre les différentes parties. Cette structure est notamment chargée de voir quelles mesures mettre en œuvre dans toute l’île pour favoriser les différents usages du vélo - utilitaire, récréatif et sportif - en améliorant la sécurité de ces pratiques, en attendant la réalisation d’un réseau cyclable en site propre tout autour de l’île, soutenu par la Région mais qui devrait prendre plusieurs années.

Un processus à encourager

Et là aussi, les choses n’ont pas tardé. Dès le deuxième samedi suivant, élus, administratifs et cyclistes se retrouvaient sur les routes de l’Ouest entre La Possession et Saint-Paul en passant par Le Port, afin de voir ensemble ce qui peut être amélioré dans le réseau cyclable déjà existant dans cette micro-région. Le samedi suivant, même opération entre L’Étang-Salé et Saint-Pierre en passant par Saint-Louis. Samedi dernier, ils ont remis ça entre Sainte-Marie et Sainte-Suzanne. (voir "Témoignages" du lundi 5 mai 2003) Un quatrième rendez-vous est prévu demain entre Bras-Panon et Saint-Benoît. (voir encadré)
Chaque fois, une centaine de personnes se retrouvent non pas pour « une simple balade à vélo » comme elles ont l’habitude d’en faire en d’autres circonstances, mais elles inscrivent cette action dans un processus de concertation entre partenaires afin de définir et de mettre en œuvre une politique du vélo à La Réunion, pour l’immédiat et pour le long terme.
Il faut également signaler que le comité de concertation permanente se réunit chaque semaine pour faire le point sur les différents dossiers en cours et sur les actions menées ensemble.
Certes, ce mouvement n’implique pas encore de la même manière l’ensemble des collectivités, administrations et associations concernées. Il devra se pérenniser et s’amplifier si l’on veut véritablement faire de La Réunion une île cyclable, dans le cadre d’une politique des déplacements multimodale s’inscrivant elle-même dans un développement durable et solidaire.
Néanmoins, la nouveauté de ce mouvement est incontestable. Même si elle reste pour l’instant limitée dans ses effets et ne concerne qu’une partie relativement restreinte de la population, c’est une façon nouvelle de faire de la politique à La Réunion, en concertation avec les citoyens concernés. Ceux-ci - et leurs partenaires - resteront-ils mobilisés pour atteindre les objectifs proclamés ? Seul l’avenir le dira. Mais pour l’instant, c’est bien parti et "Témoignages" se doit d’encourager ce processus.
Nul doute que si notre lecteur - ou lectrice - anonyme soutient cette politique, il (ou elle) ne manquera pas d’apporter sa contribution pour qu’elle avance encore mieux et plus vite !