Des autistes au théâtre de l’Entre-Deux

19 novembre 2003

Amis, frères - au féminin et au masculin - de l’île chère à mon cœur, je vous fais part d’une grande et bonne nouvelle : Le Corry, ce lieu de vie qui, dans le département de l’Aude près de Limoux et Carcassonne, ce lieu qui signifie le contraire des lieux de mort, vient d’arriver chez vous, à La Réunion. Son chœur théâtral se manifestera le vendredi 21 novembre prochain à 20 heures 30 à la salle Multimédia de l’Entre-Deux.
Non seulement Le Corry est un lieu de vie mais il y a du cœur dans son nom et dans son comportement. Du cœur cordial et du cœur choral. C’est-à-dire en même élan du grand cœur à chœur théâtral jusqu’aux premières lueurs d’un amphithéâtre d’humanité.
Pas le moins du monde au sens d’une enflure, d’un gonflement artificiel de leur être. Non, à fond le contraire, la contradictoire. Parce qu’il faut vous dire que l’homme normal, les gens normaux ont classé, répertorié ces acteurs-auteurs expressifs du grand jeu fraternel en mettant sur eux l’étiquette, laquelle ? Devinez-quoi ? D’enfants, de jeunes hommes, de jeunes filles, privés de moyens ordinaires, habituels de communication.
Or, je vous invite à venir les voir donner leur représentation. Par deux fois je les ai vus jouer, interpréter, créer leur rôle. Et je ne me lasse pas de les regarder gambader, improviser, inventer tout ce qu’ils sont. L’un de mes filleuls me disait récemment sur la communication qu’il connaissait désormais des moyens multiples de communiquer. La seule chose qu’il ignorait, c’était quoi communiquer. Eh bien je peux vous assurer que mes amis du Corry sont très rigoureusement des rompus aux techniques de communication sans la moindre idée du trésor unique qui vaut la peine, qu’il est urgent d’absolue nécessité vitale de salut public, de communiquer.
Ces décrétés incapables de communication, il faut les voir comme je n’arrête pas de les contempler, se donner en spectacle mais se donner tout court, donc tout du long avec rien d’emprunté, d’extérieur à eux, de plaqué - dans leur exubérance insouciante de l’effet produit tant ils se font plaisir à eux-mêmes - au point, en irrésistible, irréfutable, invincible contagion, de répandre, diffuser l’appétit de se faire plaisir à soi au cœur du besoin fou, délirant de nous donner le plaisir théâtral convivial, infini, les uns aux autres.
Ils font beaucoup plus que communiquer, ils sont ce qu’ils communiquent, la communication, la communion, l’Expression, la création. Tel ou tel d’entre eux ne dit rien. Ses lèvres ne remuent jamais. Il faut le voir alors battre la mesure, scander, psalmodier, chef d’orchestre du "Corry Chœur", l’impatience démesurée du monde, l’explosion jubilante, se taper cocassement le buste, les jambes en pamphlet alternatif. Il n’est pas la parole mais le geste parlant, le geste éloquent. Comme il est dit du véritable orateur Acteur Auteur, il a le geste jusqu’à être tout entier dans son geste qui, du coup, se fait plus parlant que la Parole elle-même puisqu’il en devient le geste, le Verbe créateur.
Il valait la peine d’être dit bloqué en soi pour crépiter, foisonner, figurer, préfigurer, anticiper, jouer, interpréter, créer l’universelle sortie de soi, Le Corry, le chœur convivial de l’art de, à l’infini, nous rencontrer, nous lier, nous re-lier, nous orchestrer les uns les autres.
Alors, je vérifie scientifiquement l’hypothèse qui fonde le livre dont nous sommes les auteurs, Baudille Causse et moi : l’autisme, c’est la protestation radicale contre la structure autistique hiérarchique de notre monde actuel qui moisit et pourrit à grands coups de bassesse compétitive prédatrice, le vile solitaire du pouvoir.


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