Directive Bolkestein : scénario d’une amnésie

29 mars 2005

(Page 10)

MM. Chirac, Raffarin et ceux qu’on sort moins souvent se répandent maintenant en invectives contre la directive désormais honnie. Petit retour en arrière.
13 janvier 2004. La Commission adopte dans l’indifférence générale le projet de directive sur lequel M. Bolkestein, commissaire au Marché Intérieur, travaillait depuis un an.
12 mars : Mme Lenoir, ministre d’alors aux Affaires européennes, apporte son appui très fort au texte. C’était selon elle la position officielle du gouvernement, arbitrée par Raffarin. Par la suite, au cours de nombreuses réunions bruxelloises, les ministres français ne pipent mot sur ladite directive.
4 juin : à Bruxelles, 8.000 personnes manifestent contre la directive à l’appel des syndicats belges et allemands, rejoints par Force ouvrière.
8 juin : “l’Humanité” est le premier quotidien français à rendre compte de cette directive. Dans l’indifférence générale !
18 novembre : saisi par Raffarin, le Conseil d’État valide le principe du pays d’origine, point central de la directive, aujourd’hui vilipendé par toute la classe politique.
Décembre 2004 / janvier 2005 : les opposants à la directive font monter la mayonnaise. Les partisans du “oui” s’inquiètent de cette publicité malencontreuse et exigent l’enterrement en catastrophe de la directive.
Mars 2005 : MM. Barnier, Raffarin et Chirac demandent puis exigent "la remise à plat" de cette directive.
Vous noterez l’ambiguïté du terme "remise à plat" constamment utilisé depuis, et pas par hasard. Remettre à plat quelque chose c’est enlever ce qui dépasse, mais ce n’est certainement pas supprimer cette chose. Le français est une langue merveilleuse. Il est seulement dommage qu’elle soit de moins en moins comprise. Vous remarquerez au passage que plus le niveau culturel général baisse, plus nos dirigeants s’améliorent dans le maniement de notre langue.

En conclusion, ce changement d’attitude subit, pour ne pas dire suspect, face à cette directive, nous inspire les réflexions suivantes :
Ou bien nos ministres, premier ministre et président ne savent pas lire et signent n’importe quoi, ou bien ils "aplatissent" maintenant ce qu’ils vont "remettre en forme" demain.
Connaissant les personnages et observant que M. Barroso, président de la Commission, qui fut très récemment Premier ministre de droite du Portugal et dont le bilan s’est soldé par un renouveau aussi inattendu qu’indiscutable du socialisme dans ce pays, veut bien discuter sur le principe du pays d’origine mais surtout pas sur celui de la mise en concurrence des services au sein de l’Europe, je pencherais volontiers pour la seconde hypothèse.
Puisque nous sommes dans les métaphores chapelières, récurrentes chez les prestidigitateurs, observez un bon chapeau. Si vous l’aplatissez, il se remettra en forme tout seul. C’est ce que l’on appelle la mémoire de forme. Les zélateurs du “oui” au référendum auront beau essayer d’aplatir toutes les directives qui dépassent, le traité qu’on nous propose sera toujours au libéralisme ce que le Panama est au chapeau.

Guy Deridet


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