Du créole au français

16 novembre 2010

Quelque dix ans après la reconnaissance du créole comme « langue régionale », le débat reste ouvert sur son enseignement à l’école. D’un côté, il y a ceux qui continuent de penser qu’à la langue parlée par le plus grand nombre, il faut donner toute sa place, que ce serait une erreur de couper les Réunionnais de leurs racines, de leur vécu quotidien... sous peine de contrarier leur scolarité et de brider leur épanouissement. Ils estiment même que l’apprentissage du français en serait grandement facilité.

A l’opposé, les plus réfractaires affirment que le créole, qui est déjà parlé « dans le ventre de la mère », n’a pas besoin d’être étudié en classe et que cela risquerait au contraire de les gêner dans l’apprentissage du français. Certains redoutant un nivellement par le bas dont les élèves feraient les frais parce que le créole leur étant plus naturel, ils n’auraient plus le même effort à fournir. Les plus irréductibles refusant de considérer le créole, à l’inverse des linguistes, comme une vraie langue, lui prêtant mille défauts que n’aurait pas le français ; ils poursuivent en cela une tradition héritée de l’époque coloniale où la langue du colonisateur était la seule reconnue et digne d’être enseignée.

La pire chose serait d’opposer les deux langues qui sont à la fois voisines et différentes, et pour le Réunionnais qui est bilingue, complémentaires. Sans négliger pour autant l’apprentissage du français, bien au contraire. Car à voir les résultats en baisse, surtout à l’écrit, avec les fautes de syntaxe et d’orthographe qui se multiplient et, par-dessus tout, le manque d’intérêt croissant pour cette matière, il devient évident de repenser entièrement l’enseignement du français. Ici comme ailleurs, en milieu créolophone comme en France métropolitaine. En allant partout à l’essentiel : apprendre à lire.

Oui, apprendre à lire, car, contrairement à ce que l’on a l’habitude de croire, on ne finit jamais d’apprendre à lire. C’est là-dessus précisément qu’insistait le Père Jean Cardonnel : « Il est visible, sensible, palpable que l’on ne sait pas lire, donner corps, vie à un texte. Mais le plus grave vient de ce qu’une foule de gens savent tellement lire qu’ils n’apprennent plus jamais à lire. Or, si je n’apprends pas à lire avec chacune des œuvres qui se déroulent sous mes yeux, comment voulez-vous que je goûte le millionième des plaisirs fous de la lecture ? ».

Georges Benne

Langue créole à l’école

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