Du discours à la réforme

1er juin 2015, par Georges Benne

« J’ai mis la jeunesse au premier rang de mes engagements dans cette campagne présidentielle. » (…)« Les dernières années n’ont pas été bonnes. Les classements internationaux sont inquiétants. [1] Derrière ces chiffres, il y a une réalité humaine, et je la connais. Des parents inquiets, des élèves parfois en souffrance et trop souvent en difficulté, des professeurs fatigués qui ont le sentiment de ne pas être soutenus par la République. Des classes surchargées, des enfants encore trop souvent laissés sans enseignant, (…) le manque d’équipements sportifs de proximité… Et, surtout, l’échec scolaire, inacceptable, une forme de scandale, un incroyable et inadmissible gâchis national : 150000 jeunes qui sortent chaque année sans qualification ni diplôme, des inégalités sociales parmi les plus fortes des pays industrialisés, et qui s’accroissent, des performances en lecture et en mathématiques qui régressent, près de 40 % des élèves qui arrivent au collège avec une trop faible maîtrise de la langue écrite. Il y a là une grave injustice et une plaie pour notre démocratie . (…) Non l’échec scolaire n’est pas une fatalité ! Non, la performance des uns ne se nourrit pas forcément du recul des autres ! (…) Les raisons de l’ampleur de l’échec scolaire en France sont ailleurs, dans cette “machine à trier” qu’est devenue notre École.(…)Pour être vraiment une École de l’excellence, alors l’école française doit être plus égalitaire. (…) « Je veux inventer du neuf. Je veux une refondation. Le collège concentre, depuis longtemps, bien des difficultés.
Les difficultés, je l’ai dit, il faut les résoudre en amont : comment réussir le collège si 40 % des élèves qui entrent en sixième sont déjà en difficulté ? »

Tout est dit dans ce discours que le candidat François Hollande tenait à Orléans le 10 février 2012, il y a plus de trois ans. La situation qu’il décrit n’a guère changé ni ses meilleures intentions. Et voilà qu’arrive enfin la réforme du collège, la seconde pièce de la grande réforme de l’Enseignement, défendue avec vaillance par la ministre de l’Éducation Najat Karim Belkacem. Mais elle se heurte aussitôt à de vives réactions : les plus pessimistes y voyant une désorganisation du système éducatif, le trouble jeté chez les maîtres désorientés et, bien plus grave, un dénivellement par le bas de l’enseignement.

Est-ce à dire qu’il n’y a rien à changer ? Certainement pas. Mais il faut faire vite et prendre le mal à la racine car trop d’élèves s’ennuient à l’école et finissent par la rejeter. Le meilleur moyen pour qu’ils s’y sentent bien, pour qu’ils y retrouvent l’intérêt qu’ils sont en droit d’attendre, c’est de leur apprendre à lire. Oui, à lire – en leur donnant, comme disait Jean Zay, qui fut ministre de l’Éducation et ministre des beaux arts, et auquel le président de la République vient de rendre hommage, « le goût de l’action et l’exaltante admiration des belles œuvres ». C’est bien là que réside le fondement d’une vraie réforme, pour laquelle il faut mettre tout en œuvre, avec le concours de comédiens, d’artistes, d’interprètes et d’autres intervenants, pour savoir dire le texte, le jouer, l’assimiler. Afin de donner à chacun, dès son plus jeune âge, l’envie de lire, le plaisir de lire, le goût de la lecture. Seule parade contre les abus des techniques de communication et d’information et les mille et une séductions du Tout marché qui veut à tout prix nous imposer sa « pensée unique ». « Apprendre d’abord, et ouvrir tous ces trésors, tous ces bijoux à triple secret. » selon la belle formule du philosophe et poète Alain.

Georges Benne


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