Arguments historiques et socioculturels

En faveur d’un ministère liant Education et santé de l’enfant

20 mars 2013

La famille telle que nous la connaissons réduite à la mère au père et à l’enfant a son histoire (voir Philippe Ariès, "L’enfant et la vie familiale sous l’ancien régime", 1973). Elle s’est rétrécie avec l’ère industrielle et l’urbanisation et en même temps appauvrie sur le plan humain. La Réunion si elle s’est trouvée relativement épargnée de cette évolution, subit ou risque de subir les changements culturels qui sont liés à ce rétrécissement.
On peut dire que la famille nucléaire peut être considérée comme porteuse du meilleur, comme du pire. Dans les années 70, un courant idéologique antipsychiatrique annonçait ou prédisait (ou souhaitait ?) "La mort de la famille" cf David Cooper. A la même époque, une étude promue par Jean Stoezel (1972) montrait que la famille était majoritairement appréciée et par temps de crise elle constituait même une valeur « refuge » selon Marie-Josée Chombart de Lawe. On aurait tort de considérer ces deux positions comme contradictoires, elles montrent selon nous la complexité de l’entité « famille » et notre difficulté à en définir son apport tant il serait complexe. Toujours est-il que la famille se réduit de nos jours aux parents et aux enfants tout en constatant l’essor du nombre de familles monoparentales.
Etant données nos implications professionnelles, nous pouvons affirmer que la famille porte dans ses fonctions le socle des bases de l’éducation et de la santé de l’enfant. Les équipes de santé mentale savent que lorsque la famille dysfonctionne durablement, les enfants élevés dans de tels contextes peuvent rencontrer des difficultés allant du simple retard cognitif jusqu’aux troubles graves de la personnalité. Intervenir lorsque les situations se sont quelque peu figées nécessite des pratiques délicates qui exigent un véritable professionnalisme. Ces prises en charge génèrent des soins onéreux dont ils seraient souhaitables d’évaluer à la fois l’efficacité, et les coûts (cf Professeur Maurice Berger "L’échec de la protection de l’enfance" Dunod, 2004).
Le mal-être affectif, social et/ou culturel d’un ou des deux parents peut engendrer un mal-être émotionnel et affectif et/ou culturel chez leur enfant. Il n’est pas dans notre culture de se livrer à un « chek-up » de la santé mentale de la famille ou des enfants qui fréquentent habituellement les consultations de médecine générale. Un parent qui n’aura pas été suffisamment aimé, soutenu lors de ses pertes de confiance durant son enfance, risque de garder une trace handicapante plus ou moins marquée, qui va devenir inconsciente. Hélas, cette trace risque de devenir nocive pour l’éducation et/ou la santé de l’enfant.
Il nous semble que la « logique » culturelle des politiques publiques face à ce constat aura été de pratiquer la politique de l’autruche. La médicalisation ou la psychiatrisation des troubles de l’enfance aura comme conséquences d’occulter les causes historiques et socioculturelles de ces troubles. Nous n’avons pas besoin de rappeler que les Français sont les premiers consommateurs d’anxiolytiques. Pire, une idéologie émerge qui souhaite compenser les désordres psychosociaux ou handicaps socioculturels de certaines familles très souvent jugées a priori négativement en développant la possibilité d’accueillir les enfants le plus tôt possible à l’école, afin de les soustraire à leurs parents au moins durant le temps de scolarité. Ce jugement fait écran à une éventuelle tentative de compréhension des difficultés de ces parents. D’autres dispositifs par la protection de la jeunesse visent à introduire un accompagnement éducatif en milieu dit « ouvert ». Très souvent, ces mesures pertinentes a priori agissent dans l’urgence lorsque le « mal » est établi sans qu’une approche globale n’ait été pensée impliquant les parents dès la conception de leur enfant.
Nous préconisons d’informer les futurs parents dès le collège et le lycée, de façon à développer chez eux les conditions de réceptivité afin de les rendre perméables aux réactualisations de ces informations, une fois ces jeunes en situation de mettre au monde un enfant. Acte qui peut être considéré comme l’acte le plus important d’une vie !
Une éthique dans le transfert des connaissances portant sur l’éveil de l’enfant à naître dès sa conception sera à penser collectivement avec des scientifiques et des parents afin de mettre en place et expérimenter ces programmes. La démarche d’appropriation de ces informations conduisant à ces connaissances nouvelles devra être réfléchie afin d’éviter les risques de normalisation, pire d’imposition de pratiques éducatives et de santé qui ne passeraient pas d’abord par une appropriation des parents. Ce point mérite d’être soulevé dès à présent afin d’en trouver une déontologie.
La mise en place d’une politique de prévention primaire, évitant que la cristallisation des phénomènes décrits au-dessus ne survienne, sera une des missions du nouveau ministère liant éducation et santé de l’enfant que nous préconisons.

Paulus Frédéric,
Marc Poumadère,
Bruno Gavarri,
Jean-Marie de Sigoyer,
Chantal Jouvenot.


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