En finir avec le système des « contrats magouille »… pour créer de vrais emplois !

14 mai 2011

« Tout il est beau, tout il est gentil », ou presque : c’est la première impression qui se dégage à la lecture des comptes-rendus de presse de la réunion de la commission de la transparence sur les « emplois aidés » qui s’est tenue à la préfecture le 15 avril dernier.

Les bonnes intentions ne manquaient pas… comme en sont pavés les chemins de l’enfer !

Car la vraie question aujourd’hui n’est pas de créer un « machin » de plus — voire, une « machine de guerre — simplement pour « faire la transparence », voire « aménager » le système. La transparence, certes, est nécessaire, mais elle ne saurait suffire, car rendre un mauvais système transparent ne le rend pas pour autant meilleur. Pas plus que « l’aménager ». Le vrai problème est ailleurs et d’une autre dimension : il faut le réformer.

Jean Raymond Mondon, le président du CESERE a raison lorsqu’il dit : « il faut rompre le cycle infernal contrat-formation-chômage-contrat… on ne construit pas une vie ainsi ». On pourrait ajouter que l’on ne construit pas non plus une société, une économie, un pays — fut-il département — de cette façon.

Oui ! Il faut ROMPRE, non pas avec les contrats aidés comme on les appelle, mais avec le SYSTÈME de ces emplois. Car c’est bien d’un système qu’il s’agit, initié depuis maintenant plusieurs décennies. Qui a permis d’acheter la paix sociale à bas prix et permis également à des dizaines de milliers de personnes d’accéder à un minimum de survie, mais qui a généré les travers que l’on connaît : désocialisation, rupture de la liaison entre le travail et sa rémunération, altération du concept même du travail, puissant générateur de travail clandestin, moyen pour tourner la loi, notamment le droit du travail et de ce fait il a pesé sur les relations sociales au détriment de tous les salariés.

Le moment est donc venu de ROMPRE DÉFINITIVEMENT AVEC CE SYSTÈME qui porte atteinte à la dignité et constitue une « violence psychologique coercitive » pour reprendre l’expression de Mme Margaret Robert Murcy ( ) afin de laisser la place à ce véritable « cercle vertueux, avec un vrai projet de vie » comme le dit le sous-préfet Boisson, et auquel il faut, impérativement ajouter un VRAI PROJET DE DEVELOPPEMENT sans lequel on reviendrait forcément au « cercle infernal » dénoncé par JR Mondon et aux bonnes vieilles habitudes.

Voilà quel devrait être l’objectif. Avant qu’il ne soit trop tard.

L’ancien préfet Pierre Henry Maccioni avait qualifié ces contrats aidés de « CONTRATS MAGOUILLE ». Il avait raison. Mille fois raison.

Mais, qui dit contrats ou emplois « magouille », dit, forcément magouilleurs.

La tendance naturelle, ici, serait de ranger dans cette catégorie les collectivités, les maires, les élus qui, il faut le reconnaître n’ont rien fait et ne font rien pour qu’il n’en soit pas ainsi, mais, à y regarder de plus près, ce ne sont somme toute que les utilisateurs de cette main d’œuvre à bas coût mise à leur disposition. Ce ne sont que des sous-traitants pour ainsi dire. Voire les « colombes ».

Il ne s’agit pas ici de minimiser tant soit peu leur responsabilité, mais, il faut bien admettre, qu’au-dessus d’eux, il y a le maître de l’ouvrage et maître d’œuvre, c’est-à-dire l’État qui, à travers les gouvernements successifs (et de tous bords), à défaut d’une véritable politique de l’emploi qui est de sa compétence, d’une véritable politique de développement pourvoyeuse d’emplois, a usé et abusé, depuis maintenant une cinquantaine d’années, de ce système.( )

C’est lui qui, souverainement, décidait des quotas, qui les répartissait entre les « DOM », et dans chacun d’entre eux les répartissait entre les collectivités et autres employeurs. C’est encore lui qui, par l’intermédiaire de ses services, aurait dû mettre tout en œuvre pour veiller à la bonne utilisation de cette main. Veiller notamment à ce qu’une formation adéquate soit dispensée à ces

titulaires de contrats aidés afin de favoriser des parcours professionnels et, au bout, une insertion. Cela n’a pas été fait.

Comment expliquer, par exemple, au moment où l’on parle tant d’illettrisme que l’État n’ait pas veillé à ce que ces salariés puissent au moins durant leurs multiples contrats — qui ont duré parfois toute une vie — bénéficier d’une formation leur permettant d’acquérir les « savoirs de base » comme on dit ?

Il ne s’agit pas ici de faire le procès de qui que ce soit, puisque se manifestent aujourd’hui de bonnes intentions et que de bonnes résolutions semblent être prises, mais encore faut-il savoir de quoi on parle et partir sur de bonnes bases si l’on veut véritablement « rompre avec le cycle infernal », rétablir « le cercle vertueux ».

C’est là un véritable chantier. Une véritable « révolution culturelle », tant les mauvaises habitudes ont duré et altéré les comportements, et qui réclame que chacun y mette du sien.

Le CESER a réalisé et adopté le 24 septembre 2002, un rapport sur cette question ( ). Ce n’est pas la panacée, mais il a énoncé quelques préconisations qui ne sont pas dénuées de bon sens, au premier rang desquelles la non-diminution du volume de contrats attribués par l’État à La Réunion. Car autrement, c’est l’échec assuré. Et, en contrepartie de cet engagement, de cet effort, disons-le, de l’État, une gestion rigoureuse de ce dispositif. Par tous les intervenants dans le cadre d’un contrat de responsabilité partagée, permettant à chacun d’assumer les responsabilités qui sont les siennes, et en même temps, d’en rendre compte. Publiquement s’entend, par souci de transparence. Et d’efficacité.

Dès lors, il conviendrait, et c’est là presque un préalable, que cette commission fasse « la transparence » sur ce qu’elle veut et qu’elle veut faire : ses objectifs, les moyens qu’elle compte mettre en œuvre pour les atteindre, les outils de suivi et d’évaluation, le rôle de chacun, les règles de fonctionnement… Ce que n’a pas été jusqu’ici rendu public.

Ensuite, il est une mesure qui paraît incontournable, savoir, réunir autour de la table TOUS les intervenants : l’État, bien sûr, mais également l’ensemble des maires et président(e)s de collectivités notamment (pour les associations, le problème n’est pas du même ordre) pour la signature de ce contrat de responsabilité, car soyons clair, malgré toute son autorité, l’association des maires ne saurait engager l’ensemble des maires : comme pour les promesses, sa signature n’engage que ceux qui y croient.

C’est là encore, une question de crédibilité. Et d’efficacité.

Autrement, il n’y aura pas grand-chose à attendre de cette commission. Comme il en a été des « grenelle », « états généraux » et autres usines à gaz construites en grandes pompes et qui n’ont produit que du vent.

Georges-Marie Lépinay

( ) Docteur en GRH et sociologie des organisations. CF “lettre de lecteur” parue dans la presse le 16 décembre 2010.
(2) Cela s’appelait, à l’époque, « chantiers de développement », baptisés, non sans humour, par les Créoles « chantiers de chômage », plus tard CES, CEC et autres CAE et aujourd’hui CUI.
(3) Ce document, intitulé “Pour un dispositif répondant aux besoins de l’emploi à la Réunion” est consultable sur le site du CESER : http://www.ceser-reunion.fr


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