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Frapper un enfant : ce qu’on ne sait pas toujours

mardi 3 avril 2018, par François Maugis, Frédéric Paulus

C’est tellement ancré en nous, même les mamans les plus aimantes, qu’on ne réalise pas. Si tant est que nous gardions de bons souvenirs de notre enfance et que nous ayons oublié les blessures que provoquent les claques ou les gifles, qui sont tout de même moins fréquentes de nos jours, au moins visiblement socialement. Dans notre culture du rétrécissement de la famille, maintenant grandement nucléarisée, mère – père – enfant avec de moins en moins d’enfant par famille, lorsqu’un parent, voire les deux peuvent considérer ces violences comme « éducative », cette conception modèle la culture familiale. Dans ce contexte l’enfant a peu d’espace pour fuir et encore moins pour lutter. Il s’inhibe et risque de montrer des signes de désespérance. Surtout lorsque l’enfant se comporte de manière qui choque ses parents et que ceux-ci disent « Papa (ou Maman) ne t’aime pas », c’est une phrase dévastatrice sur le plan émotionnel, (donc corporel), sans parler de la confiance en soi.

Quand l’autre représente tout notre univers, celui qui nous nourrit de sa présence, et qu’il bascule dans la violence, que se passe-t-il ? Quand l’époux ou l’épouse que vous chérissez, quand celui ou celle qui représente tout pour vous, bascule dans l’agression, c’est un choc insupportable qui peut traumatiser toute une vie, qui peut même vous donner envie de mourir.

Alors, imaginez un instant qu’il ne s’agit pas de deux adultes mais d’un adulte et de son enfant. Mettez-vous un instant dans la peau de ce petit enfant pour qui papa et maman sont tout pour lui, sa seule référence, son seul ancrage dans ce monde qu’il ne connaît pas encore. Croyez-moi, c’est une dépendance, un lien bien plus fort que ce qui unit un couple qui s’aime.

Lorsque maman frappe, c’est donc mon univers, ma vie qui bascule, qui est anéantie. Les cris et les pleurs d’un enfant, c’est autre chose que les cris et les pleurs d’un adulte. Un adulte, même fortement traumatisé, relativise. Il a toute une vie derrière lui qui le lui a appris. Un enfant n’a rien. Un enfant n’a rien que sa douleur. Parce qu’il n’a rien d’autre à quoi se raccrocher, c’est en lui-même que se creuse le vide, le traumatisme. Nous ne sommes pas des bêtes. Les animaux jouent, se battent, se frappent. C’est vrai, cela fait partie de la vie animale. C’est vrai aussi que nous sommes encore un peu « animal ». Mais nous sommes surtout humains, avec un cerveau développé, avec un mental boulimique mais fragile. L’adulte est gourmand en émotion pour alimenter ce cerveau insatiable mais l’enfant, vierge encore de ces émotions d’adulte, absorbe violemment ces premières émotions qui vont le marquer à jamais.

Bien sûr, nous ne pensons pas à tout ça en frappant, c’est notre côté « animal » mais il faut savoir que cet énorme cerveau humain, capable, quand il est bien traité de produire les chefs d’œuvres que l’humanité connait, est facilement détruit dès le début de la vie, si nous n’en prenons pas soin.

L’enfant est prodigieusement intelligent dès la naissance. Ce serait dommage d’en douter. Avec les découvertes des sciences du cerveau et de l’esprit des points de repère fiables pourraient - devraient - être transmis aux futurs parents et aux parents dès le plus jeune âge de l’enfant. Il s’agirait de faciliter une mutation culturelle qui révèlerait collectivement cette prodigieuse intelligence de la nature.

François Maugis, président de l’association Énergie Environnement et

Frédéric Paulus, directeur scientifique du Centre d’Étude du Vivant de l’Océan Indien


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