Guy Môcquet, ou une minable récupération politique

22 septembre 2007

En annonçant que sa première décision de président sera de faire lire la lettre de Guy Môquet dans les lycées, Sarkozy pousse loin le cynisme. Parce que tout l’idéal pour lequel Guy Môquet a accepté de donner sa vie, Sarkozy entreprend depuis cinq ans de le liquider, avec sa recherche de perpétuels clivages et ses logiques de désignation de bouc-émissaires (celui qui se lève tard, mai 68, la racaille).

Le combat communiste, qui était aussi celui de Guy Môcquet, pour le partage et l’égalité, pour la liberté, c’est l’antithèse exacte du combat de Sarkozy, pour les grands patrons, la fin de la culture, l’état policier. Sarkozy, le liquidateur de tout ce que le Conseil national de la résistance a construit à la libération (sécurité sociale, services publics, retraites), atteint ainsi des sommets d’immoralité politique.

Reprendre à son compte ce combat, c’est souiller la mémoire de Guy Môcquet bien sûr, mais c’est aussi brouiller les repères jusqu’à les faire disparaître, c’est nier les conflits de classe et les combats. Depuis la rentrée 2005, les élèves des écoles primaires doivent apprendre “La Marseillaise”. Avec la lettre de Guy Môcquet, Sarkozy en rajoute une couche afin d’exacerber un chauvinisme en phase avec le climat de concurrence généralisée, ou “l’autre” est un adversaire. Nos marmailles doivent donc être le plus tôt possible préparés à être des battants et surtout des gagnants. Notre rôle d’éducateurs devrait être de guider nos élèves sur le chemin de l’émancipation et de la liberté, nous ne sommes pas des professeurs de patriotisme, ni des instructeurs militaires.

Notons en passant comment les reculs sociaux actuels sont imposés par le biais d’un discours fataliste, très proche de l’argumentation pétainiste : il s’agit de s’adapter à des évolutions extérieures que l’on ne pourrait maîtriser (aujourd’hui, la mondialisation capitaliste), les gérer au mieux et s’en accommoder, tout comme on justifiait la collaboration en 1940.

Dans cette affaire, la palme d’or de l’indécence revient haut la main à Xavier Darcos, qui a osé déclarer qu’il s’agit, à cette occasion, de « parler de la jeunesse insurgée ». Rappelons lui donc que lorsque la jeunesse s’insurge, comme on l’a vu récemment contre le CPE, le pouvoir politique l’accueille dans la rue plus souvent avec des matraques qu’avec des poèmes.

Imaginons un instant que Guy Môquet et ses compagnons de lutte soient encore en vie. Sans trahir leur mémoire, on peut penser que beaucoup se seraient insurgés au moment de l’élection de celui qui promeut le fichage ethnique, la rafle des sans-papiers jusque devant les écoles, un ministère de l’Immigration, la karchérisation des racailles, et qui construit une société sur mesure pour ses amis les patrons qui exploitent les masses.

Joël Grouffaud


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