Hommage à Jean-Jacques Boitier

29 avril 2006

C’était un révolutionnaire que n’habitait aucun désespoir, un défenseur de l’espèce humaine qui récusait toute idée de sous-espèce, un toujours jeune et toujours gai Gavroche du syndicalisme, marathonien des manifs, amoureux de la vie, blagueur devant l’adversité. C’était notre camarade et notre ami.
Côté jardin, il était des plus taquins, y compris vis-à-vis des truites, pour les beaux yeux desquelles nous avons, sac au dos et lancer en main, foulé ensemble tous les “sentiers pêcheurs” de Takamaka et passé bien des nuits sous les étoiles.
Côté cour, le combat syndical était le sens même de son métier, la défense de l’école républicaine son combat permanent, l’ouverture du savoir aux plus humbles son credo de tous les instants.
Il se faisait la plus haute idée de l’Éducation physique et sportive, de son indispensable complémentarité avec les autres disciplines, de la chance d’accomplissement personnel et social qu’elle ouvre à chaque enfant, à chaque adolescent. Il se battait pour qu’elle reçoive les moyens dont elle a besoin pour vivre, pour que s’ouvrent les stades, pour que se bâtissent les gymnases, que se recrutent et se forment les personnels, au plus haut niveau.
Il détestait le fric, la frime, le sport-business, l’autoritarisme et les hiérarchies.
Lors de notre exclusion de la FEN, au début des années 90, il s’est sans états d’âme lancé avec nous dans la reconstruction immédiate d’une maison commune, et personne dans la FSU n’ignore aujourd’hui ce que notre fédération lui doit. Avec ça, infatigable promoteur du SNEP, qu’il a porté au plus haut dans la profession, au cri mille fois répété, mille fois partagé, de "Plus et mieux d’éducation physique à l’école !", qu’il nous a fait scander avec enthousiasme dans le sillage de sa tignasse blonde.
Et puis mardi, le jour même de ses 58 ans, il a touché au terme de son ultime et terrible combat.
Nous nous sommes bien sûr retrouvés nombreux, sur le site de Commune Prima, venus l’aider à enrouler ses drapeaux, à plier ses banderoles, à ranger la sono. Laquelle diffusait, pour cette dernière fois, en lieu et place des slogans familiers, la poignante complainte de son cher Léo Ferré :
"Reviens fille verte des fjords,
Reviens violon des violonades,
Dans le port fanfarent les cors
Pour le retour des camarades..."
Mais heureusement, malgré nos larmes, nous avons vite compris que sa décision était prise. Qu’il était hors de question pour lui de nous abandonner comme ça, tout seuls et dans cet état. Qu’il continuerait, longtemps encore, à marcher d’un bon pas dans nos mémoires et dans nos cœurs.

Raymond Mollard,
ex secrétaire du SNES et de la FSU


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