Immigration choisie ou Droits de l’Homme repoussés à la frontière

12 mai 2006

Avec l’immigration choisie, la France cherche à fuir ses responsabilités vis-à-vis des ressortissants africains immigrants après avoir surexploité ces derniers et leurs pays. Cette idée est très ancrée chez ceux qui refusent la vérité, la réconciliation et le dialogue : Pourquoi ?
1) D’abord par que certains, notamment des partisans de l’immigration choisie, ont tendance à oublier que lorsqu’on quitte son pays d’origine, on n’a plus de pays. Que l’on se trouve face à deux pays : son pays d’origine, et son pays d’accueil. Que la plupart des immigrés, montrés du doigt aujourd’hui, vérifient la douloureuse exactitude de cette réalité. D’une part, le pays d’origine est perdu, et de l’autre, le pays d’accueil n’est plus acquis. Incontestablement, il y a un manque et une inquiétude qui constituent inévitablement un traumatisme, des ruptures multiples et pénibles que ne mesurent pas les partisans de l’"immigration choisie" qui repoussent les droits de l’Homme à la frontière.
Après quoi, l’on nous parlera de l’histoire réelle et concrète de la traite, de l’esclavage et du statut des Noirs dans la société française ? Après tant d’humiliation, de renoncements et d’injustices ? Non, la France cherche, avec l’"immigration choisie", à fuir ses responsabilités vis-à-vis des Africains en particulier. Cela ne fait aucun doute au regard de ce qui est préconisé par le ministre de l’Intérieur et soutenu par la majorité présidentielle. Comment les Français, dans leur grande majorité, réagiront-ils devant une telle expérience ? Et les pays africains ? Pour ma part, je ne trouve pas les mots pour critiquer ce projet de loi ! Comment peut-on prétendre combattre les idées de Jean-Marie Le Pen et laisser faire Nicolas Sarkozy avec tant de risques ? Pourquoi ? Il est fort à craindre que des mouvements de rejets populaires accompagnent les préconisations du ministre de l’Intérieur.
Ces phénomènes de rejet affecteront-ils seulement les populations visées ? Il est à souhaiter que les immigrés, qui ont été une force de travail hier, "taillables et corvéables", luttent pour que leur dignité ne soit pas celle de l’immigré utile que l’on renvoie quand il ne l’est plus. Est-ce "La France des droits de l’Homme" ? "La France terre d’accueil" ?
Vers quoi va-t-on déboucher demain avec ses fermetures et ouvertures des frontières sélectives qui font que l’immigré est essentiellement une force de travail provisoire, temporaire ou en transit ? Puissent les célébrations du 10 mai nous inviter à analyser l’évolution ou non de l’opinion publique et de la mémoire collective face à cette question de l’immigration, de la reconnaissance du rôle économique des travailleurs étrangers et plus particulièrement des immigrés africains face à une certaine construction idéologique que souhaitent privilégier les partisans de l’"immigration choisie".
2) Ensuite parce que la France a oublié une partie de son histoire : les sacrifices des travailleurs, morts pour elle, leurs itinéraires, leurs espoirs et n’admet pas que beaucoup, aujourd’hui, sont devenus une composante non moins importante de la population française.
Elle ne respecte plus son histoire et ne tient plus compte du sous-développement, des guerres, des persécutions, brefs des conséquences dramatiques qui conduisent les immigrés à quitter leurs pays d’origine au risque, souvent, de leur vie.
Les immigrés sont devenus des boucs émissaires : des partis xénophobes font monter la pression, et les immigrés sont alors accusés de tous les maux, de manger le pain des Français, de leur voler leur travail, de fomenter l’insécurité et la délinquance... et j’en passe. Devant tant d’humiliation et d’injustices à l’égard des immigrés en général et des Africains en particuliers, ne peut-on pas considérer que les droits de l’Homme sont repoussés à la frontière ?
3) Enfin, la France se demande-t-elle pourquoi ses Africains quittent leurs pays ? À quoi est, aujourd’hui, réduit le débat sur l’immigration si ce n’est pas à un affrontement d’idées gauche-droite, pour ou contre, qui oublie d’analyser ce qui est d’abord une réalité sociologique, démographique et culturelle ? La France ne gagnera pas à cantonner sa politique d’immigration dans son aspect politique ou social qui lui interdit toute compréhension des origines de l’immigration, surtout celles des ressortissants africains, de manière autonome en la traitant isolément des autres grands problèmes, du champ d’action politique comme cela se fait actuellement. Ce n’est ni sérieux, ni honorable ! Et c’est surtout une injure à l’Histoire, une insulte à l’Afrique, aux Africains et une très grosse erreur de jugement me semble-t-il. Sinon, comment expliquer un tel aveuglement ?

Conclusion :
La République a reconnu la “Traite de l’esclavage” comme crime contre l’humanité, le 10 mai a été retenu pour célébrer l’événement, et pourtant des voix s’élèvent au sein de la majorité présidentielle, manifestant ainsi leurs refus de reconnaître une vérité historique. Et de ce fait disent non à la réconciliation, repoussent le dialogue pourtant indispensable. Et comme par hasard, au même moment, le projet de loi sur l’immigration choisie vient apporter de l’eau au moulin des partisans de l’intolérance. Jusqu’où iront ces deniers ? Comment justifier cette inadéquation de l’immigration choisie et l’idée que la France se fait de la déclaration des droits de l’Homme et du citoyen dont elle est signataire ?
Intellectuelles, démocrates, humanistes, élus, militants des droits de l’Homme, prenez la parole !

Samuel Mouen


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