Israël-Palestine, une paix introuvable

30 octobre 2023, par Reynolds Michel

L’attaque inqualifiable et injustifiable du Hamas du 7 octobre 2023 contre les civils (1 400 personnes tuées, 5 000 blessés et 220 personnes prises en otage) sur le sol israélien et la riposte d’Israël, qui bombarde, pilonne, sans arrêt la bande de Gaza depuis l’offensive du Hamas, faisant, à l’heure où nous écrivons, près de 7 326 morts, incluant 3 000 enfants, marque une nouvelle étape dans un conflit parmi les plus longs de l’histoire moderne. Est-ce la fin de tout processus de paix entre Israël et la Palestine ?

Un choc sans précédent

Cette attaque du Hamas, d’une rare sauvagerie, massacrant les habitants impuissants des Kibboutz (hommes, femmes, enfants) — souvent les plus fervents partisans de la paix, du dialogue et de la justice sociale — a créé un choc sans précédent dans la société israélienne. Cette situation dans laquelle les Juifs se sont retrouvés seuls, impuissants, malgré la puissance de leur armée, plongent les juifs israéliens dans une dimension et dans une mémoire qui renvoie aux pogroms (soulèvements antisémites meurtriers, Kishinev en avril 1903 par exemple), voire d’une certaine manière à la Shoah par cette absence de capacité à réagir et à protéger, comme le souligne le rabbin franco-israélien de la mouvance juive libérale, David Meyer. Et de préciser : « L’on a été face à la recréation d’un pogrom en plein XXIe siècle, quelque chose que l’on pensait appartenir à un passé radicalement révolu. Nous pensions que l’Etat d’Israël était l’endroit du ̋plus jamais ça˝ » (Vatican News, 12/10/2023).

C’est dire à quel point le traumatisme de la société israélienne est profond, d’autant plus que le climat était à l’apaisement et à la normalisation des relations entre Israël et le monde arabe. Une réponse s’imposait. Mais pas n’importe quelle réponse évidemment ! Et Israël n’a pas tardé à réagir par une riposte meurtrière : « Nous sommes en guerre… L’ennemie paiera un prix sans précédent », a déclaré le premier ministre Benjamin Netanyahou (AFP/Le Temps, 07/10/2023). Pour le ministre de la Défense, qui a ordonné le siège complet de la bande de Gaza, l’ex-général Yoav Gallant, il convient d’aller jusqu’au bout : « Comme nous nous battons contre des “animaux humains”, nous devons agir en conséquence. Nous allons donc fermer tous les accès à Gaza. Ils n’auront plus d’électricité, plus de nourriture, plus de carburant, plus d’eau. Plus rien » (09/10/2023, cité par MEDIAPART, 19/10/2023). Quelques jours après, le 13 octobre au matin, l’armée israélienne a ordonné l’évacuation de tous les civils de Gaza du nord vers le sud de l’enclave palestinienne, en vue d’entrer dans la bande de Gaza — enclave de 360 Km2, sous blocus illégal depuis 16 ans, où vivent 2,3 millions de Palestiniens — pour détruire les infrastructures du Hamas, entraînant ainsi des « dommages collatéraux terrifiants ». Et après ?

Est-il possible que ce conflit n’ait pas de solution ?

Ce n’est pas en répondant à la violence destructrice par une autre violence destructrice qu’Israël rendra son territoire plus sûr. La solution politique est le seul moyen d’assurer une paix durable entre Israël et le monde arabe, en donnant toute leur place aux Palestiniens. Nous ne pouvons pas accepter simplement que ce conflit se résume à la loi du plus fort, sans imaginer une autre stratégie que celle du sang, selon l’expression de l’écrivain et journaliste israélien arabe Sayed Kashua (Libération, 20/10/2023). Ce nouveau cycle de violence meurtrière s’explique avant tout par l’absence totale d’horizon politique. Car sans perspective politique, la guerre reprend toujours, dit Alain Dieckhoff, spécialiste de la politique d’Israël (Télérama, 16/10/2023).

Dans cette recherche d’une sortie politique, l’attaque sanglante du Hamas doit être pensée de manière historique et politique, replacée dans un contexte plus large « d’une occupation étouffante » de 56 ans (Antonio Guterres, le 24 octobre 2023) et d’un blocus militaire de Gaza en place depuis 16 ans. L’une et l’autre sont illégaux du point de vue du droit international, écrit le spécialiste du droit international François Dubuisson (La Tribune, 13/10/2023). D’autre part, comme le souligne le Secrétaire général des Nations Unies Antonio Guterres : « Le peuple palestinien a vu ses terres régulièrement dévorées par les colonies et en proie à la violence, son économie étouffée, ses habitants déplacés et leurs maisons démolies. Leurs espoirs d’une solution politique à leur situation se sont évanouis, tout en soulignant que « les griefs du peuple palestinien ne peuvent justifier les attaques effroyables du Hamas. Et ces attaques effroyables ne peuvent justifier la punition collective du peuple palestinien » (Antonio Guterres dans le Conseil de sécurité de l’ONU, 24/10/2023).
La politique de colonisation israélienne conduite en Cisjordanie et à Jérusalem-Est depuis la guerre de six jours en 1967 par tous les gouvernements israéliens, faisant un bond sous le règne de Benjamin Netanyahou, a abouti à la création de plus de 280 colonies israéliennes occupées par 710 000 colons juifs, selon les Nations Unies en mars 2022. Et ce, au prix de la destruction de biens mobiliers ou immobiliers des Palestiniens (954 en 2022 selon OCHA) entraînant le déplacement de 1032 personnes, la mort de 154 Palestiniens tout en réduisant le territoire palestinien où vivent 2,9 millions de Palestiniens (Cisjordanie). Ils sont 360 000 à Jérusalem-Est, secteur palestinien occupé depuis 1967, puis annexé par Israël. Les Palestiniens voulaient faire de cette partie de la ville la capitale de l’Etat auquel ils aspirent !
Cette colonisation, condamnée à maintes reprises par le Conseil de sécurité des Nations Unies et considérée par l’instance internationale, à juste titre, comme une entrave à la paix, est néanmoins poursuivie illégalement et arbitrairement par le gouvernement Netanyahou — l’application de la privation de liberté des Palestiniens dans les territoires occupés repose entre les mains de « l’armée israélienne qui écrit, applique et révise ces lois martiales qui ne s’appliquent qu’aux Palestiniens », écrit Mme Francesca Albanese, la rapporteuse de l’ONU sur les droits de l’homme (ONU, 10/07/2023) – . « Aucun gouvernement israélien n’a fait autant pour la colonisation que celui que je dirige » (AFP, 03/08/2017).

« Il fait tout pour qu’il n’y ait jamais ici deux États, mais un seul », disait déjà l’écrivain Amos Oz, le 9 janvier 2013. En effet, pour Netanyahou, comme il le déclarait lui-même, la coexistence de deux États que les accords d’Oslo prévoient n’est pas la solution, mais le problème (Cité par l’historien Jean-Paul Chagnollaud (Entretien, Alternatives Économiques, 12/10/2023). Bref, le laisser-faire des colonisations illégales et le morcellement du territoire palestinien ont rendu sciemment et difficilement réalisable, voire impossible, tout État palestinien viable

La solution de deux États ? Rien n’est impossible

La question palestinienne, complètement oubliée depuis des années, est revenue au centre du débat politique comme une question centrale au Moyen-Orient. Elle concerne cinq millions de personnes vivant en Cisjordanie et à Gaza, et des millions de réfugiés palestiniens… qui aspirent à vivre en paix dans un État indépendant en Judée-Samarie dans une sécurité partagée avec les Israéliens, avec l’État d’Israël. Le chemin de la paix passe par une solution politique qui garantisse les droits des peuples israélien et palestinien.

« La seule manière d’éliminer le Hamas, c’est de donner de l’espoir », déclare Maoz Inon, entrepreneur et militant social, dont les parents ont été brûlés vifs dans leur maison en bois lors de l’attaque sanglante du Hamas, le 7 octobre 2023. « L’espoir est la seule arme véritablement efficace dont nous disposons. Et cet espoir ne peut se fonder que sur le principe d’une terre et d’une société partagées : un principe que je défends depuis 25 ans. » (Médiapart, 19/10/2023).

Pour l’heure, la communauté internationale doit tout faire pour arrêter l’effusion de sang. « Arrêtez, arrêtez ! » dit le pape François, tout en demandant que des espaces soient ouverts, pour que l’aide humanitaire continue d’arriver et pour que les otages soient libérés. « La guerre est toujours une défaite, c’est une destruction de la fraternité humaine ». L’idée d’une paix juste et durable ne doit pas être sacrifiée dans un cycle sans fin de violence vengeresse (Béatrice Lestic, syndicalisme Hebdo, 24/10/2023).
« Shalom, la Paix quand tu rentreras chez toi ; Shalom, la Paix quand tu sortiras de chez toi ; Shalom, la Paix « sur tout homme, quel qu’il soit » (Midrsh Rabba). Quelles que soient les circonstances qui se présentent à nous, la Paix, pour les sages du Talmud, doit toujours avoir la priorité.

Reynolds Michel
Le Port, octobre 2023

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